Le 49° a quitté Stuttgart en train le 8 juillet 1945 pour aller occuper le village d'Erpolzheim.
D'Erpolzheim, le 49° a
pris le départ, pour Berlin. Il y sera d'octobre 1945 au
9 mai 1946.
Parti en train de marchandises au comble de la joie, cahin-caha,
suivant l'état des voies ferrées. En zone russe
il n'y avait qu'une voie de circulation, la deuxième était
déposée.
Le lieu de cantonnement était à Wittenau
dans la banlieue de Berlin, dans des baraques en bois qui avaient
hébergé des travailleurs italiens.
Il y avait un journal d'informations avec une BD dont le héros
était Toto Baroud.
Le soir nous prenions le tram pour aller à Berlin,
puis le métro pour nous rendre au foyer américain
où l'on dégustait des beignets et du café
au lait gratuitement. Chez les anglais, il fallait se faire inviter.
Devant la porte nous attendions qu'un type sympa se présente
et nous fasse entrer. Nous nous regroupions entre copains pour
aller au restaurant et ensuite au salon de thé où
nous pouvions déguster des patisseries.
A cette époque la porte de Brandebourg était
le lieu du marché noir. Il s'y échangeait de tout.
Les soldats russes avaient les poches pleines de marks d'occupation
et ils étaient acheteur principalement de montres.
On a raconté l'histoire du russe assistant à la
projection d'un film et criant
« houri, houri », quand il vit sur l'écran
une montre au bras d'un acteur.
Le quartier était le
camp Lyautey.
Des appelés de la classe 43 ont été affectés
au 49° RI . Il a été procéder à
leur instruction : séances de tir et autres manoeuvres.
L'esprit de camaraderie était encore là. Depuis
le début de la campagne le capitaine Doumenc, commandant
la CA1,et les gradés, , étaient toujours présents.
Certains venait du 7°RTA. (L'encadrement
du 1er bataillon) .
Début avril 1946 nous avons été mis en alerte pour les premières élections allemandes, il n'y a pas eu d'incident. Le 11 avril, notre compagnie a été désignée pour rendre les honneurs à l'arrivée du général Catroux sur l'aéroport de Tempelof.
Nous devions défiler avec les Alliés le 8 mai 1946 pour le premier anniversaire de la capitulation allemande. Répétition au quartier Napoléon, ancienne caserne allemande, avec gymnase, piscine et tout le confort. Notre musique avait déjà quitté Berlin pour Trèves. Le 24° RI assurant la relève, c'est sa musique qui nous a accompagné. Le rassemblement se faisait devant les ruines de l'ambassade de France sur la Pariser platz à la porte de Brandeburg. Pour la cérémonie, les troupes furent alignées face à la tribune officielle devant le monument aux morts russes. C'est un général russe qui fit le discourt de circonstance. Les quatre généraux alliés passerrent les troupes en revue. Ensuite nous avons défilé sur l'avenue entre la porte de Brandeburg et la Siegelssäule, la tour élevée à la victoire allemande de 1870, sur laquelle flottait un drapeau bleu, blanc, rouge. Quelle revanche pour les Français ! Chaque détachement avait sa musique, sauf les Anglais qui furent accompagnés par les Américains. Le détachement russe était formé par des élèves officiers.
Le lendemain, le 49° RI prenait le train pour Trèves. Les hommes dans des wagons de marchandises, les officiers et la garde du train dans de vieux wagons de voyageurs. A chaque arrêt, la garde était déployée le long du convoi. A une station en zone russe, un soldat qui attendait sur le quai voulait monter avec nous. Après autorisation du capitaine, il est monté avec le poste de garde. Il était bien tenu et avait l'air d'un brave type. Il a demandé une cigarette au sergent commandant la garde. Il voulait la payer en sortant une liasse de billets roulée dans du papier journal. Le sergent a refusé son argent et dans le coup lui a donné le paquet entier. Il était ravi. Il est descendu à la station suivante.
A notre arrivée nous avons rejoint une caserne allemande : le quartier des Pyrénées. Les sergent avaient une chambre pour deux. Nous nous sommes installés avec 2 lits une table et 2 chaises. Nous avons lustré le parquet avec un cul de bouteille et du cirage brun. Fini le bon temps, nous revenions à la vie de caserne d'avant guerre, les officiers anciens prisonniers reprenaient leur place dans les unités avec leurs vieilles habitudes. Régulièrement il fallait prendre la garde au QG du général commandant la place ou au poste de garde du quartier. Une anecdote au sujet de ces gardes : au QG, il fallait présenter les hommes au général tout les matins avant la montée des couleurs. Un soir, je suis averti que le lendemain, le général devant aller à la chasse, passerait plus tôt la revue de la garde. Il faisait encore nuit au lever et un de mes hommes n'était pas rasé. Evidemment le général s'en aperçoit et me fait signe d'approcher « pourquoi cet homme n'est pas rasé ? » me demande-t-il. Je ne me suis pas démonté et lui ai répondu « Le local où se trouvent les lavabos est mal éclairé, il va se raser sitôt après votre départ » . Je m'attendais à des jours d'arrêt, c'était la punition ded rigueur. Il faut croire que ma réplique l'a surpris, l'affaire en est restée là.
Les notabilités de la région organisaient des chasses auxquelles ils invitaient des officiers et des sous officiers. Ils tiraient du gros gibier, il était interdit de tuer les biches. Un jour, un adjudant en a tué une. Le scandale ! le garde chasse en était malade. Il s'est excusé en disant qu'il n'avait pas bien vu la bête dans un fourré. Nous avons profité de son coup de fusil au mess où l'on nous a servi un civet de biche .
Les officiers et sous officiers mariés pouvaient faire venir leur famille, ils étaient logés chez les habitants et ils avaient une coopérative pour se ravitailler.
Dans le courant du mois de novembre, l'administration militaire s'est aperçu que les anciens du CFP encore présents au 49 RI n'étaient pas en règle. Ils auraient dû être libérés après le 8 mai 45. Il leur a été proposé soit un engagement rétroactif de 6 mois pour les libérer fin décembre, ou un engagement de 3 ans pour la France et pour l'Indochine.
Avant l'expiration de mon dernier engagement, il m'est arrivé un avatar lors d'une prise de garde au quartier. Le poste avait des cellules pour les punis de toute la place de Trèves et comme chef de poste j'en étais responsable.
Un après midi, l'un
des punis me demande la permission d'aller à son unité
pour prendre du linge propre. Confiant, je le laisse partir seul
avec sa promesse de rentrer avant l'appel du soir . J'aurais dû
le faire accompagner par une sentinelle ce qiue j'ignorais, faute
d'instruction. Le soir, rien. Je m'en ouvre à l'adjudant
de service qui me promet d'attendre le lendemain matin. Le lendemain,
bien entendu, l'oiseau n'avait pas rejoint la cage. Aïe !
ça a fait mal. Obligé de mettre le capitaine au
courant, celui-ci a marqué le coup, 8 jours d'arrêt
qui sont passés à 15 au niveau supérieur.
Ma permission libérable s'est trouvée écourtée
d'autant.
Pour rentrer plutôt j'ai pris un train de matériel
qui allait en France et après la frontière, un bon
train de voyageurs qui m'a amené gare de l'est. Fini l'armée,
vive la vie civile !
Souvenirs du Sergent Y.Salmon.