Pendant que s'effectuent au
cour d'une lutte désormais ouverte, les opérations
de libération et de guérilla pour gêner les
mouvements des armées ennemies, les troupes alliées
débarquent en Provence le 15 août 1944.
L'armée d'Afrique est en mouvement, mais nous qu'allons
nous faire pour nous joindre à elle ? La vocation du C.F.P.
est de faire la guerre, il a déjà commencé,
où et comment va-t-il continuer ?
Il faut du temps pour rassembler les hommes dispersés et les affectés à de nouvelles tâches en d'autres lieux. L'atmosphère collective est brouillonne, agitée et conflictuelle entre les différents groupes dont la finalité n'est pas la même : les FTPF, aidés par les Espagnoles se battent pour conquérir les mairies et instaurer un gouvernement communiste, et les unités d'origine militaire pour refouler l'occupant hors de France et rétablir l'ordre et l'armée française.
Le Docteur Guy BOURCARD résume
un exemple de cette situation confuse :
« Nous abandonnons notre vie de maquisards pour celle de
libérateurs. Cinq compagnies sont formées sous les
ordres respectifs de : MAZEYRAT, RIOVALAN, MALGORN, CHALOPET et
TREMILLON ».
Il y a là une sorte
de bataillon qui le 15 et 16 août attaque Cahors sans succès
; puis :
« La 2e Cie attaque Montauban le 19.
La lutte est longtemps indécise et finalement les Allemands
s'enfuient abandonnant une vingtaine de morts et de nombreux blessés
et prisonniers. Le manque de véhicule ne nous ayant pas
permis d'être au complet, la garnison s'est enfuie ; nous
étions seuls. Mais la libération effectuée,
une multitude de brassards FFI surgirent de partout, menant grand
train dans toute la ville ».
On constate déjà une différence entre l'agitation
et la volonté de combattre, et cela va aller en s'amplifiant.
« Le
20, nous récupérons
de nombreux véhicules, les dernières sections nous
rejoignent. Une colonne allemande est signalée, nous dégageons
Montauban et la recherchons sans succès.
Le 20, la 1e Cie en tête le bataillon fonce
sur Toulouse. Nous dépassons à Fronton une unité
FTPF avec GEORGES qui a remplacé BERGER comme chef départemental
FFI. Il nous fait savoir que nous sommes dans son secteur. Qu'importe,
nous passons et apercevons au loin cette colonne. La nuit arrivant,
nous ne pouvons surprendre l'ennemi. Nous cantonnons à
Lalande et repartons pour Toulouse le 23.
Quand nous arrivons, nous défilons. Toulouse bien que libérée
n'est pas encore sûre, des miliciens tiraillent de temps
en temps, et nous sommes contrôlés par des espagnoles
: nous n'en espérions pas tant !
Logés au Quartier Compans, nous espérons repartir
le plus vite possible. Le Grand état-major, l'intendance
de police nous donnent quelques camions ; l'intendance finit par
nous habiller de la tête aux pieds avec des tenues neuves,
mais que de démarches doivent faire nos officiers pour
obtenir ce matériel. Il faut avoir au moins
3 galons pour pouvoir être entendu. Ce qui fait notre admiration,
c'est l' E-M de Toulouse qui à grand renfort de crayons
rouges et bleus, tient la situation à jour ».
Pendant ce temps, dans les
Pyrénées, les combats continuent. Le journal de
Roger KROLICK en résume l'essentiel :
« 20
août : Tarbes est libérée
: le C.F.P. passe du clandestin à l'officiel, officiers
et hommes se mettent en tenues.
L'ennemi a décroché à Piétat et se
dirige vers Mascaras où il est de nouveau stoppé
par 2 Cies de la demi-brigade CERONI. Combat également
à Lhez où l'ennemi perd 35 hommes tués ou
blessés (le Gl. MAYER est blessé), il abandonne
un camion, un V.L, et repart après avoir incendié
une ferme et brûlé 2 enfants et 5 personnes. En représailles,
4 Allemands seront fusillés.
Le bataillon MARTIN-NEUVILLE se lance à sa poursuite et
le rejoint près de Burg en liaison avec le Commandant CERONI
: le Gl. MAYER est fait prisonnier ainsi que le colonel de son
état-major , ils sont ramenés à Tarbes par
2 agents du 5e bureau C.F.P. sur ordre du Cdt. PLAUD.
Le lieutenant BRYER, commandant le camp d'Ossun est également
fait prisonnier avec 25 hommes. Pau est entièrement libéré ».
Le même jour, le Lieutenant-Colonel
DE ROUGEMONT fait occuper les bâtiments militaires de Tarbes
et installe son état-major.
Cette organisation résulte du fait qu'entre le 20 et le
25 juin 44, tous les éléments précurseurs
des détachements du C.F.P.
dans la zone pyrénéenne ont été constitués
en un seul détachement en fonction du plan KOENIG et c'est
DE ROUGEMONT qui avait été chargé de le mettre
en place.
On ne chôme pas. Le Capitaine ROFFIGNAC dirige la remise
en état de l'armement pris aux Allemands. Le 23 août,
sort des ateliers Morane un avion confié au Capitaine-pilote
CLIQUET, avec mission d'attaquer en vol les colonnes allemandes
en retraite à travers les Landes.
Le même jour, pour fêter la libération de Tarbes,
grand défilé devant le Colonel POMMIES, le Colonel
FULLER de l'US Army, le préfet SEGAUT et Monsieur COHOU,
président du Comité de Libération. C'est
le Lieutenant-Colonel DE ROUGEMONT qui a le commandement des troupes
dont 750 hommes sont du C.F.P.
Le PC du Corps Franc est à Pau.
Quant à la surveillance de la frontière espagnole,
elle se passe assez bien d'après le journal de la Cie PIGNADA
(DE FUMELl).
Le 26 août,
après avoir défilé
la veille à Bayonne, elle relève une Cie FFI sur
le pont de Béhobie et sur celui d'Hendaye. Aussitôt
après, prise de contact amicale avec les autorités
militaires espagnoles ».
Les unités du C.F.P. effectuent de nombreux déplacements
entre l'ancienne ligne de démarcation, la Garonne, l'Adour
et les Pyrénées. En effet, les bataillons qui composent
les demi-brigades MILLERET, de CARRERE et BENONY, puis BALADE,
étant chargées de missions variées, se regroupent
près de Tarbes ou de Pau, ou continuent à pourchasser
les Allemands et à leur couper la route.
Certains s'en vont vers des aventures plus lointaines qui, parfois,
ne laissent pas d'inquiéter le chef Pommiès. Comme
celle qu'il devait résumer dans la note suivante :
« Sous les ordres de l'adjudant Guy SELBERT, 17 volontaires
de la Cie SAUBION avaient rejoint, à Orthez, la colonne
SOULE partie des Hautes Pyrénées à la poursuite
des Allemands. Ils furent alors renforcés par une unité
de 40 Espagnols communistes. L'adjoint du chef de section était
MARTIN, de Pontacq ; les chefs de groupe s'appelaient Lucien PRAT,
de Barzun, ESTRADE et MAROTTE, de Pontacq.
Passant par Mont de Marsan, Bordeaux et Castillon, la colonne
rattrapa l'ennemi le
30 août à Barbezieux,
puis elle poussa jusqu'à Roulet (6 km au S-O d'Angoulème)
où eu lieu un violent engagement. Cédant aux instances
de ses hommes SOULE décida de retourner à Tarbes.
Mais la section SELBERG ne fut informée de ce repli qu'après
son entrée dans Angoulème. Au retour, elle participa,
le 3 septembre, à l'affaire de Jonzac et regagna
son unité le 5 septembre ».
Ce récit permet de constater ce qu'étaient certains maquis en 1944. Des groupes d'hommes de tous bords voulant absolument en découdre avec le boche et prenaient des directives incontrôlées. Des groupes à buts politiques cherchant à prendre le pouvoir des régions en prenant de vitesse le Gouvernement Provisoire de la République.
A la fin du mois, dans la région de Bagnères-de-Bigorre,
la demi-brigade CERONI se réorganise en 2 bataillons REBOUL
(4 Cies) et JARASSON (3 Cies), au total 750 hommes, 101 sous-officiers
et 30 officiers tous de grades réels ou fictifs.
Au moment de la jonction avec la 1e Armée, les grades fictifs auront du mal à rentrer dans le rang et plusieurs feront parti de ceux qui abandonneront la lutte.
Le 31 août, les éléments du C.F.P. sont répartis le long de la frontière espagnole de Hendaye à Luchon selon les ordres du commandant en chef des FFI, le Gl. KOENIG, mit à part quelques unités occupées ou en réserve.
La libération de Paris effectuée, le Gl. DE GAULLE va mettre bon ordre à ces discordes en décidant la dissolution des FFI en tant que structures militaires autonomes et leur passage dans l'armée régulière en cours de formation.
1) - Les combats de Paris sont
glorieusement terminés. Mais la victoire n'est pas acquise.
Les opérations militaires futures vont exiger de l'armée
française un effort multiplié.
2) - En conséquence, les éléments des forces
formées à l'intérieur pour les combats clandestins
et qui sont susceptibles de participer aux opérations ultérieures
seront incorporés régulièrement, à
mesure de la libération des zones du territoire sur lesquelles
ils ont agi, pour être affectés, soit aux grandes
unités de campagne, soit aux formations du territoire.
3) - Les organismes supérieurs du commandement et les états-majors
des forces de l'intérieur existant à Paris sont
dissous à la date du 29 août 1944. Leurs attributions
sont exercées par le général Gouverneur de
Paris. Il en est de même pour les organismes de commandement
et états-majors dans les départements libérés
et dont les attributions sont exercées par les généraux
commandant les régions militaires intéressées.
4) - Il sera procédé immédiatement à
l'immatriculation de tous les officiers, gradés et hommes
des forces de l'intérieur en territoire libéré,
ainsi qu'au recensement des armes et du matériel. L'armement
et le matériel seront réunis dans des conditions
à fixer par les généraux commandant les régions
militaires.
Récits tirés du livre du Général CERONI : "Le corps franc Pommiès". (édité en 1984, réédité 3e tri 2007)