- Bataille des Vosges et d'Alsace -

 

Campagne des Vosges.

A l'issue de la rencontre de Dijon, le 22 septembre 1944, entre le General de LATTRE de TASSIGNYet le Lieutenant- Colonel POMMIES, le CFP est mis à la disposition de la 1ère Diviion Blindée commandée par le Général TOUZE du VIGIER. Poursuivant sa route, POMMIES va faire en sorte que désormais, le CFP soit l'un des fers de lance de la Division.

Le CFP s'organise comme un régiment d'infanterie composé de deux bataillons (Commandant BALADE et CARRERE) et de quatre commandos (FRANCOT, MILLER, DANGOUMEAU et TURCAT), chacun d'entre eux se compose de 280 hommes répartis en trois sections de 80 hommes chacune. Les différents services complémentaires étant assurés par les 40 restants. Une courte période de repos dans le dijonnais est utilisé à l'instruction et à la formation, à la suite de quoi les combattants du CFP vont, pendant 15 jours, éprouver la résistance de l'ennemi autour du pôle de Servance (Côte 820). Grimper à l'effroyable côte 820, sous des trombes d'eau, en rampant à découvert à chaque relève, accompagnés en guise de bienvenue par des arrosages ennemis d'obus et des tirs de mitrailleuses. Une semaine de repos , en base arrière, était résevée à la réorganisation de l'ensemble. Le CFP est rattaché à la 3° Division, Algérienne (Général GUILLAUME). La mission reste la même : faire sauter le verrou du Thillot- Chateau Lambert, qui, depuis six semaines, bloque la progression vers la Haute Moselle et la route des cols.

Fin octobre, environ 4 500 hommes, après avoir signé leur engagement pour la durée de la guerre procéderont à la dure montée vers les Vosges. Le 10 novembre en plusieurs sites, dont celui de Boulot (25), l'hommage est rendu aux combattants de 14-18. La cérémonie terminée est suivie des préparatifs de montée en ligne. Dans la nuit, sous la pluie, Les Noirs Etang, le bois de la Hêtraie sont traversés et la lisière de Grammont dominant le Thillot est atteinte.

Les chasseurs du CFP doivent apprendre à se battre sur des terrains où la neige succède aux pluies diluviennes. Cependant impressionné par la combativité des Français, l'Etat-Major allemand place d'excellentes unités face aux positions du CFP, deux bataillons de Gebirgsjäger spécialement dépéchés de Norvège et le Bataillon de Cadets SS de Fribourg.

Mais à peine le Corps Franc est-il au repos, qu'il reçoit l'ordre de coopérer aux combats des Vosges méridionales . Les actions sont alors menées par des détachements variant de 200 à 1.000 hommes.

Du 25 septembre au 22 octobre 1944, le Corps Franc, sur le front des Vosges, mène les opérations suivantes :

- Le 26 septembre, occupation de Melay

- Le 27 septembre, occupation de Ternuay et de Saint-Hilaire.

- Le 29 septembre, occupation de Servance et de Mielin et attaque des Encloses.

- Le 1er octobre, arrêt d'une attaque ennemie sur La Grève.

- Le 3 octobre, dans la vallée de l'Ognon, il porte lentement notre ligne de Ternuay au carrefour de La Pile.

- Le 7 octobre, attaque des Grands Champs.

- Le 8 octobre, attaque de La Pile.

- Entre le 13 et le 20 octobre, il agit autour de Julienrupt, au nord-est de Remiremont.
- A partir du 14 octobre, actions défensives dans le secteur de Ramonchamp et de la Tête du Gehan ; puis nettoyage du Plateau de la Traye.

- Le 15 octobre, occupation des positions du col du Drumont et du Tholy.

- Le 16 octobre, prise de La Forge.

- Le 17 octobre, poussée sur Château Lambert.

- Le 18 octobre, attaque ennemie du ravin de Bouvacote.

 

Du 21 octobre au 10 novembre, le Corps Franc obtient enfin un répit pour se réorganiser en régiment. Mais alors qu'il s'attend à commencer l'instruction, il est appelé à participer en entier à la bataille générale que la 1ère Armée déclenche pour la libération de l'Alsace.

Le Bataillon BALADE, constitué dans le courant du mois d'octobre est mis en alerte à partir du 10 novembre à 8 heures du matin et doit être prêt à monter en ligne.

- Du 11 au 21 novembre : Le C.F.P. est mis à la disposition de la 1ère D.F.L. et remonte en ligne pour participer de nouveau aux combats sur le front des Vosges.
Le sous secteur s'étend des lisières nord du Haut du Thème au mont des Brocheux en passant par les lisières Ouest du Fort de Château-Lambert.

- Le 12 novembre, le bataillon s'embarque dans les G.M.C. mis à sa disposition et part, suivit de ses véhicules organiques provenant de la récupération, vers Luxeuil la Longine où il débarque. De là, à pied, dans la neige il va prendre position dans le secteur de Moisaubeau, Les Sapins du Haut, relevant des unités du Régiment du Morvan appelées à resserrer leur dispositif.
La mission du bataillon est de tenir le secteur défensif d'environ 2 kilomètres de front, face au village du Haut du Them et à l'ouvrage fortifié, de Château-Lambert. Le bataillon n'est pas encore au complet. La C.A. 1 en particulier ne dispose que de 2 sections de mitrailleuses. Il met en ligne 2 compagnies, l'une à la Pichorèze l'autre au Frenet, tandis que la 3ème Cie. et une partie de la C.A.1 sont en réserve dans le secteur de
Beulotte, Aux Sapins du Haut dans les granges situées derrière la lisière de la forêt où ont été construit les emplacements de postes avancés. (Carte du secteur ) et le P.C. au Moisaubeau.

Les positions du 1er Bataillon s'allongent depuis la pointe sud de l'étang "La Plaine" jusqu'à la cote 684 qu'il coiffe. Au nord le Bataillon TURCAT, au sud , le Régiment du MORVAN, et en face, l'ennemi qui occupe le fort de Château-Lambert et les hauteurs dominant le Haut du Thème. De jour le secteur parait inoccupé, le camouflage est parfait. Seules de nombreuse traces de pas et de skis dans la neige autour des maisons et sur les chemins permettent aux observateurs de se faire une idée de l'activité adverse.

Du côté français, pas de maisons, des abris et des tranchées dans le sol. Des constructions en superstructures compensent l'insuffisance de profondeur. Le camouflage est réalisé par les abondantes chutes de neige. Périodiquement l'unité pousse des reconnaissances jusqu'au Haut du Thème, comme les allemands le font eux-mêmes. Des tirs de mortiers sont régulièrement appliqués sur la position des "Sapins du Haut"; on riposte sur Château-Lambert et la croupe 545.
Notre artillerie disperse un convoi d'artillerie allemand sur la route qui longe le ruisseau "Balloy". En dépit de ce calme relatif, les troupes se fatiguent vite ; le manque de confort total en ligne, le froid, les alternances de gel et de dégel, l'alimentation composée uniquement de conserves, tout cela épuise les hommes. Aussi les évacuations pour maladie sont plus nombreuses que celles pour blessures.
Cette période défensive est de courte durée. Dès
le 18 novembre, la 3ème Cie. quitte sa position et est transportée à Ramonchamp où elle relève la 11ème B.M.

 

- Ramonchamp -

La bataille autour de Ramonchamp durera plus de 60 jours.

 

- Le 17 novembre, attaque ennemie sur le poste de Fresset.

- Le 20 novembre, le 1er Bataillon reçoit l'ordre de faire mouvement sur la vallée de la Moselle., laissant ainsi la position défensive au Régiment du Morvan qui reprend ses anciens emplacements. Il se transporte sur sa base de départ pour essayer de faire sauter le verrou du Thillot, qui ferme la route du col de Bussang et de la plaine d'Alsace, que tiennent trois bataillons allemands.


- Le 20-21-22 novembre, Attaque de Travexin :

- 20 novembre : Venant de Cornimont, la section JEANNOT arrive à la scierie ; peut après, elle est désignée pour une mission : rechercher le contact et si possible l'occupation d'une crête. Départ à 17 heures, il pleut et la nuit tombe, la progression est lente. La forêt est truffée de mines, BOURNAZEL et SEEL sont blessés.
JEANNOT fait appeler DUMAS Marcel (Caporal-Chef), et l'envoie jusqu'à la crête avec un FM en couverture (HERNANDEZ et DEBAYLE). DUMAS quitte le gros de la section pour se rapprocher d'une lisière, juste à ce moment là, une rafale en bas sur la gauche, LUQUET et COUNIL sont tués. DUMAS, HERNANDEZ, PALU, et DEBAYLE se trouvent bloqués en haut de la crête, à droite de la setion. Impossible de joindre le chef de section, des mines partout. Ils doivent attendre le petit jour, nuit abominable, il pleut, il fait très froid.

Le matin de ce jour, l'aumonier PAMBRUN dit la messe à la scierie.
Le Lieutenant CHARPIAT a reçu l'ordre de faire avancer sa section de 80 mètres sur la droite de la portion de la ligne des crêtes. On avance à l'entrée de la nuit, vers 18 heures.
Le Sergent LACAZE Léon, avec son groupe avance en avant même des positions du pont du Gouffre, pour aller prenre position à 150 mètres du croisement Travexin-Oderen. avec lui la section Clavier qui doit aller au même endroit. Ce même jour, POUMIROU est désigné pour faire une reconnaissance avec deux hommes jusqu'à la grange n° 3, en bordure de la route de Travexin et rester autour de cette grange pour surveiller si les Allemands envoient des patrouilles. Départ vers 21 heures 30 et après deux heures d'attente retour à la grange n° 1 : R.A.S.

- Le 21 novembre, : L'aube paraît. DUMAS distingue non loin, de lui des casemates allemandes. En contrebas, le reste de la section JEANNOT. L'adjudant JEANNOT se lève de son trou et avance de quelques pas et avec sa canne fait signe à ses hommes de revenir sur lui. A ce moment-là, JEANNOT est blessé. Il se courbe violemment et malgré sa blessure assez grave, se relève et fait redescendre les hommes près de lui ainsi que DUMAS et les siens. La section arrive à la scierie à 8 heures 30.
Le Sergent LACAZE rejoint la section du Lieutenant CHARPIAT, vers 15 heures avec son groupe de commandement. Celui-ci reste à la grange n° 1 jusqu'au soir du 21 et à 19 heures avance à la ferme n° 2 et met trois postes de garde autour de la ferme, il fait très froid et un déluge d'eau s'abat sur les hommes. Huit sentinelles sont postées autour de la ferme dans des trous d'obus ou derrière des murettes de pierres. Les hommes sont tellement fatigués qu'à partir de 2 heures du matin il n'y aura plus de relève au poste de garde où se trouvent POUMIROU et CLOT qui passeront toute la nuit dans un trou d'obus, à gémir de froid et de douleurs aux pieds, jusqu'au matin du 22. On trouvera aussi les autres sentinelles endormies dans leur trou avec de l'eau jusqu'aux cuisses ... la fatigue, la pluie, le froid, le sommeil et aussi la peur les tenaient, là, blottis sans aucune réaction.

- Le 22 novembre, . Au petit jour, les guetteurs ont reçu l'ordre de se replier à l'intérieur de la ferme. Le Lieutenant CHARPIAT et ses sous-oficiers observent les lignes allemandes. Tout est calme.
A 14 heures 30, notre artillerie tire pendant dix minutes, sur la portion de terrain où il y a, paraît-il des Allemands.
A 14 heures, le Capitaine de FERRY est passé à la section pour observer les positions allemandes et pour nous dire « qu'il nous faut encore un peu de courage, que nous allons avancer sur le village» . Tous ont compris que ceci n'allait pas être du gâteau ... et que nous devions passer à l'attaque : dans l'état où nous étions physiquement, la chose était vraiement inconcevable ! Mais les ordres sont les ordres.
A 14 heures 45, distribution d'eau-de-vie, véritable «tord-boyau». Cette distribution laisse à penser aux hommes que ça va chauffer dur !
A 15 heures, l'arme à la main, colonne par un, la section quitte la ferme n° 2 . Quelques éléments de la section, qui étaient restés à la ferme n° 1, dont le Sergent LACAZE et son groupe de commandement, se dirigents en direction de Travexin pour attaquer les positions allemandes retranchées fortement dans le bois au sud de Travexin où ils occupent en force la maison forestière.
A 15 heures 10, la section arrive devant Travexin, qui est en grande partie en ruines. Arivée aux premières maisons la section reçoit des tirs de FM, des coups de fusil isolés et quelques obus de mortier.
Le Lieutenant CHARPIAT donne une direction à chaque groupe :
- Groupe VERDIER Roger, à gauche,
- Groupe ETCHEVERRY Charles, au centre,
- Groupe JERVA Roger, à droite.
Mission : prendre la maison forestière et occuper la lisière du bois, où paraît-il, se trouve quelques Allemands... La section tombe sur une compagnie de SS.

Dès que les groupes sont au milieu du village, le feu s'intensifie : la progression est rendue extrèmement difficile par une forte tempête de neige, et on tombe sur un champ de mines. Comme il n'y a pas eu de préparation d'artillerie sur l'objectif, les pertes sont sévères.
Passé le village, CLOT tombe sur une mine grièvement blessé.
Les tireurs au fusil à lunette allemands clouent la section au sol. Quinze minutes aprés CLOT je suis (POUMIROU) blessé à mon tour à la jambe droite ; j'étais à 30 mètres de CLOT au moment où la mine à sauté, et j'ai reçu un éclat qui s'enfonce plus profondément au fur et à mesure que je marche. Cloué sur place, il faut m'évacuer.
Je retrouve CLOT au poste de secours, dans la cave d'une épicerie, au milieu d'une réserve de boîtes de conserves et de chocolat. Je lève mon bras vers le tas de chocolat. Au même moment un gars me tombe dessus, me fait tomber et m'injurie : toute la réserve était minée.
Pendant ce temps au dehors, ça va mal. Le feu ennemi devient de plus en plus intense. Il est 16 heures quand les Allemands déclanchent le tir au mortier sur la section et le village. Les mines sautent de toutes parts. Il neige sans arrêt et les hommes ont du mal à repérer les armes automatiques ennemies. La section avance lentement à l'abri de petits rochers et de murettes.
A 17 heures la section est à 50 mètres de la maison forestière où les Allemands sont fortement retranchés avec des FM ainsi que sur toute la lisière de bois à l'est et à l'ouest de cette maison. Les Allemands sont difficiles à repérer étant camouflés en tenues blanches.
A 17 heures 15, la section CHARPIAT se trouve en situation des plus précaires. Les FM s'enrayent pour un rien, seul les PM et les fusils fonctionnent. On ne peut obtenir de résultat positif de la section de mitrailleuse CLAVIER à l'est de la bergerie n° 4.
A 17 heures 30, les éléments de tête sont à quinze ou vingt mètres de la maison forestière et les ennemis fortement retranchés sur toute la lisière du bois.

A la tombée de la nuit, à 19 heures, l'ennemi est sorti du bois en hurlant et en tiraillant sans arrêt. Les grenades à manche pleuvaient de toutes parts. Puissante contre-attaque par débordement sur les deux ailes de la section avec un effectif bien supérieur en nombre : des S.S. équipés en tenue de neige. Le lieutenant CHARPIAT donne l'ordre de se replier à 19h.30 sur la ferme N°1, il a choisi cette solution plutôt que de faire sacrifier inutilement des vies humaines.
. Les groupes obéissent comme ils peuvent ,un véritable déluge de feu tombe sur ce qui reste de la Section. Les groupes ETCHEVERRY et JERVA se replient sur Travexin, les derniers sur la ferme N°1. Le groupe VERDIER, qui est trop sur la gauche du dispositif, arrive à gagner la grange N°4, puis Travexin et la scierie.

A l'appel il manque beaucoup de monde :
- 5 tués: BIE, GUIMBERT, LARRIEU, BROUCHIN et TAILLEFER.
- 7 blessés: BOJOLY, CLOT, GUIRAUD, LACASTA, LACAZE, POUMIROU, SOUBERCAZE.
- 7 disparus: BOJOLY, FANANAS, HORNGREN, IZUEL, LAFFITE, MILAGE, POEYO.

Au matin du
23 novembre, deux chars T.D. sont entrés en action, en exécutant
un tir de harcèlement sur le bois occupé la veille par l'ennemi. Une
patrouille est allée chercher les corps de nos morts. On les retrouva dans
la maison foretière , LARRIEU et GUIMBERT dépouillés de leurs vêtements.


Récit de Guy Poumirou avec le concours du Lieutenant Charpiat, du capitaine Verdier Roger, del'adjudant-Chef Petriz, du Sergent Lacaze, du Capitaine Fagalde, du 2e classe Clot Guy, du Sergent Izuel et du Sergent-Chef Jerva Roger.

A partir du 22 novembre, le Corps Franc Pommiès est placé sous les ordres de la 3ème D.I.A., entre Cornimont et le fort de Château-Lambert.

- Du 21 au 25 novembre, dans la vallée de la Moselle, où le Corps Franc achève la libération de Ramonchamp, il conquiert Le Thillot et libère Fresse.

Attaque du Thillot.

L'ennemi occupe la tête du Gehan et les pentes Nord-Est. La côte 347,2, le village du Thillot , la Chapelle et la tête de Grammont.

- Le 21 novembre, au soir, la 3ème Cie. du 1er Bataillon s'empare de la portion du village de Ramonchamp encore aux mains de l'ennemi. C'est elle qui doit faire l'attaque de fond, renforcée d'une section de mitrailleuses de la C.A.1.
La 1ère Cie prend position sur sa gauche, face à l'Est, sur les pentes de la tête du Gehan. Elle est également renforcée d'une section de mitrailleuses de la C.A.1. Elle est en liaison sur sa gauche avec un Bataillon du 4ème R.T.T., chargé de s'emparer de la tête du Gehan. La 2ème Cie. passe en réserve du régiment et cantonne à Xoarupt. Une de ses section mise à la disposition du Commandant MILLER s'efforcera
le 22 novembre de tourner, sans succès, la position de la Chapelle où elle perdra deux tués dont l'Aspirant LECLERC et deux blessés.

Un groupe de Commando encadre à droite le 1e Bataillon qui sera appuyé par le 60ème R.A.A. et des T.D. du 7ème R.C.A. L'attaque du Thillot va se dérouler dans des conditions atmosphériques pénibles. Une pluie serrée et continuelle provoquera une crue de la Moselle. Le sol transformé en éponge ne permettra pas aux hommes de creuser les trous pour leurs emplacements d'armes.
Les hommes sont jeunes ; ils vont voir, pour la plupart, le feu pour la première fois et un peu fatigués par deux jours de ligne, ils n'ont pas encore acquis l'endurance des troupes venues d'Afrique.
La manoeuvre du Thillot consiste à faire tourner la position par les ailes. Le Bataillon marche parallèlement à la route l'Etat- le-Thillot, auquel il appuie sa droite.
Le poids principal des opérations sera supporté dans le cadre du bataillon par la 3ème Cie. qui opère dans la vallée de la Moselle.

Le premier objectif fixé à la 3ème Cie est marqué par le pont Goubeau sur la Moselle et le pied de la cote 347,2. Une fois cet objectif atteint, la 3ème Cie devra attendre que l'action des ailes se fasse sentir et provoque la chute du Thillot.
- A 6 heures du matin, les unités se portent en avant. La 3ème Cie (NAVARRO) en colonne double atteint rapidement ses objectifs, la colonne de droite (TOUSSAINT, COME) au pont Goubeau, la colonne de gauche (SAUBION, CUYAUBERE) au pied de la cote 347,2.

Par contre, la 1ère Cie ne peut guère progresser car la tête du Gehan fortement tenue par l'ennemi n'a pu être prise par le 4ème R.T.T. A ce moment d'ailleurs les unités se trouvent clouées au sol par un violent tir de barrage d'artillerie (88 et 150 Minen) et des tirs d'armes automatiques. Malgré cela, la 3ème Cie reçoit l'ordre dans la matinée de continuer la progression et de tenter sans appui l'attaque frontale.
Elle s'empare de la cote 547,2 où elle s'accroche pendant 5 heures. Une première contre-attaque allemande, puis une deuxième obligent les sections à se retirer et menacent même l'aile droite du bataillon. Heureusement, un groupe de manoeuvre de 12 permissionnaires commandé par l'adjudant SARRAZIN, monte une rapide contre-attaque, surprend l'ennemi par la soudaineté de son intervention et par sa furie l'oblige à stopper son attaque et rétablit ainsi la situation.
Cette première tentative sur le Thillot coûte au bataillon : environ 40 morts, blessés ou disparus, la plupart de la 3ème Cie. Aucun résultat réel puisque les unités reviennent passer la nuit sur leur base de départ.

 

- 24 et 25 novembre, ces journées sont consacrées à la vérification du contact et au pilonnage des positions adverses par l'artillerie. L'intervention de chars permet de détruire des positions de mitrailleuses sur 547,2 et l'observatoire du clocher du Thillot. L'ennemi riposte par des tirs d'artillerie tuant deux hommes d'un équipage de char et en blessant plusieurs autres, et cherche à gêner notre ravitaillement en faisant du harcèlement sur la route allant de Etray vers Ferdrupt.
- 26 novembre. L'attaque est reprise et c'est la 2ème Cie qui doit déboucher en tête, les renseignements parvenus dans la nuit confirment que l'ennemi a décroché. Depuis plusieurs heures, pas de tirs d'artillerie, pas un coup de feu; aussi, dès le démarrage vers 9 heures du matin, la progression du bataillon prendra l'allure d'une marche d'approche sur l'itinéraire l'Etray-le-Thillot, la tête des Corbeaux, et Bussang .
Le Thillot et Fresse sont libérés.
Commencée le 26 au matin, cette marche va se prolonger tard dans la nuit et les unités de tête arriveront dans leurs cantonnements dans les fermes qui dominent Bussang vers une heure du matin, fourbues après une progression épuisante qui vaudra deux jours de repos au 1er Bataillon.

Combats des Drumont.

- 27 novembre. Le groupe de commando du C.F.P. poursuit l'ennemi, par les hauteurs, à l'altitude de 1.000 mètres, il enlève la Hutte et pousse en direction des Drumont, verrou des cols de Bussang et d'Oderen et arrive au Plain-du-Repos le 28 novembre, après de durs combats.



- Nuit du 28 au 29, Le 28, Jean-Paul SAC, jeune civil du Thillot, qui, à 17 ans, avait offert sa connaissance de la région pour nous guider sur les pentes boisées du massif du Drumont. Dans la soirée il devait y offrir sa vie.

A 3h. 30 le 29 novembre, par une manoeuvre audacieuse le Commando MILER s'empare avec hardiesse de la ferme Auberge du Drumont et du sommet du Petit Drumont (1.200 m.), du Hasenkopf et du Grand-Drumont (1.223 m.), positions clefs du dispositif adverse. Les cols de Bussang et d'Oderen débordés, sont abandonnés par les allemands.

- Le 29 novembre. A 5 heures 30, le 1er Bataillon monte en ligne. La 1ère Cie occupe le Plein du Repos. Carte des combats
La 3ème Cie la plus éprouvée est chargée de la protection du P.C. du chef POMMIES à la Hutte, tandis que la 2ème Cie du Capitaine SOUCHET appuyée par une section de mitrailleuses de la C.A.1, Lieutenant DOUMENC, relève sur le
Drumont, le Commando MILER épuisé et s'installe sur le Grand Drumont, après avoir repoussé une contre-attaque allemande et nettoyé l'Asenkopf.

A 11h. Le Drumont et la ferme auberge sont tenus par les commandos : DANGOUMAU,MILLER,MAILLARD et FRANCOT. A12h. subissant un tir violent de 88, le Capitaine FRANCOT et le Lieutenant RASLOVLEFF sont tués.

La chute du Drumont a ouvert la route de la vallée de la Thur par le col de Bussang. Les allemands veulent reprendre cette position essentielle. Ils contre-attaquent le 30 novembre au matin sur le flanc droit du 1er Bataillon. Mais la section de mitrailleuses de la C.A.1 commandée par l'Aspirant DECOMBLE veille, toutes ses armes sont prêtes à ouvrir le feu. L'ennemi pris de flanc par leur tir précis, bat en retraite subissant de lourdes pertes. Ensuite pris à partie par les mortiers de 81 du C.F.P. il est mis en déroute. Une batterie de Minen werfer est complètement anéantie, quelques heures plus tard, les chasseurs du C.F.P. trouveront les armes détruites, les servants morts.

Il semble désormais que le C.F.P. puisse se lancer à la poursuite des allemands, mais, au cours de l'après-midi, le 2ème Bataillon ( DE CARRERE) subit de grosses pertes dès qu'il amorce sa marche sur Fellering et doit se replier sur le Plein du Repos.

Opérations d'Alsace

- Le 30 novembre, La nuit du 30 novembre au 1er décembre est très dure sur les Drumont recouverts de neige et battus par un vent violent et glacial. L'Alsace est là, à quelques mètres ; les allemands ne viendront plus car les chasseurs du C.F.P. son conscients de leur victoire : coûte que coûte, ils ne la perdront pas. Il fait très froid, la nuit est très noire. L'observation et les liaisons sont difficiles.
Au cours de la nuit des bruits de moteur laissent à penser que les allemands se replient sur une nouvelle ligne de défense.
- Le 1er décembre. Au petit jour, la 3ème Cie envoie une patrouille en direction de Fellering. Toutefois, le chef POMMIES estime qu'elle n'a pas été assez profonde, il charge le Lieutenant DOUMENC de pousser une reconnaissance jusqu'aux portes de Fellering et de fouiller au passage toutes les maisons de Ramerspach.

Pour pénétrer les premiers en Alsace, les mitrailleurs sont heureux d'échanger leurs armes dont ils sont si fiers avec celles d'une section de F.V.

L'aspirant DECOMBLE, veut être de la partie, le Lieutenant HAYE, vieux blédard de 55 ans également; il prend le commandement d'un groupe. La tenue allégée, les armes vérifiées la reconnaissance part à 9 heures.

Pas de réaction, l'ennemi semble avoir décroché. Ramerspach est fouillé; une patrouille est lancée sur Fellering puis, la section entière.
Pas un coup de feu, quelques rafales de mitraillette, signal convenu, annonce le départ de l'ennemi qui s'est replié.
La reconnaissance épuisée par cette course dans la neige rejoint les lignes à 16 heures.
La 2ème Cie, elle aussi a envoyé ses patrouilles : Aspirant PEYREFITTE, Sous -Lieutenant UNVOIS, la route est libre
Vers
17 heures après une heure de repos, la C.A.1 et tout le 1er Bataillon poursuit sa marche en avant et s'installe définitivement à Ramerspach dans la nuit du 1er au 2 décembre.

Krüth

 

- Le 2 décembre.- A 6 heures, l e 1er Bataillon reçoit l'ordre de se porter sur Krüth.
Dans l'après - midi la 2ème Cie s'installe à Frentz, les autres à Krüth. Le Bataillon a beaucoup souffert depuis le 11 novembre ; les pertes ont été sensibles, mais surtout le froid et la neige ont fait les plus gros ravages. Quelques jours de repos sont indispensables, mais le 7ème R.T.A. est très épuisé lui aussi.

- Le 10 décembre, le 1er Bataillon remonte en ligne.

Emporté par son élan, il dépasse Krüth, tenu par des Tirailleurs Algériens, et s'emparent du Gommkopf, point dominant du secteur et relève une unité du 7ème R.T.A. dans les postes avancés de l'auberge et des fermes de
"Runsche".

La défense du secteur est réorganisée avec 3 points d'appui :
- 1 à Runsche, dans les fermes à l'est de Sauwas : Epine II, Epine III .
- 1 en arrière dans une petite auberge : épine IV .
- 1 à Sauwas avec le PC dans une ferme et la position de mitrailleuse : Epine I.

Dans la nuit du 18 au 19 décembre 1944, vers minuit une forte patrouille allemande fut repoussée "Au Runsche" par la section SARRAZIN et un groupement de mitrailleurs de la C.A.1.
( Epine II et III )

 

L'affaire du hameau de Runsche.

Le 26 décembre : On décèle du côté allemand une recrudescence d'activité. En fin de journée une patrouille ennemie approche le PA de Runsche comme pour se rendre compte de nos travaux. Elle fait sauter un piège en longeant le ruisseau et l'un des allemands est abattu au mousqueton. Au matin une de nos patrouille ramène son corps.
A quelques cent mètres au nord et à l'est de Runsche les allemands effectuent des travaux d'aménagement du terrain, ils semblent construire un observatoire duquel on voit aller et venir un pigeon voyageur.

Un Noël entre nous, Alsace 1944

Sous la pluie d'octobre, dans la boue d'un village de Haute-Saône, une lumière jaunie perçait au travers des vitraux d'une simple église. Dans le clair obscure, une voix disait :

« Demain, à cette heure-ci, vous serez là-haut, dans les Vosges. Devant vous ce sera l'Alsace qu'il vous faut libérer, derrière, si vous vous retournez vous verrez la France, la France qui compte sur vous.

Pensez à vos aînés de 14, (ceux qui mouraient dans les trois couleurs de notre drapeau) le bleu de leur tunique, le blanc de leur visage, le rouge de leur sang.

Vous êtes de l'infanterie. Le jour du grand défilé de la victoire, un soldat qui se trouvait au ciel entendit monter jusqu'à lui les rumeurs du défilé. Il y avait des cris et des bravos. Il demanda à un ange : "qui est-ce donc qui défile ?" - "L'artillerie", répondit l'ange. Les cris allaient croissants. "Qui est-ce ?" - "L'aviation" répondit l'ange. Puis ce fut le silence, un silence lourd. "Et maintenant ?" . L'ange se pencha à nouveau et se retourna ému. «Personne ne dit rien, tout le monde pleure, c'est l'infanterie qui défile.»

La voix de l'aumônier continuait : «Demain, là-bas, les vôtres ignoreront encore que vous êtes exposés ; vous, vous penserez à eux, comme vous penserez par la suite à tous les moments que nous avons passés ensemble». Oui, c'est vrai, plus tard, à un détour de forêt, l'Alsace fut là, immense, silencieuse.

Les toits avaient changé de forme, les arbres étaient plus grands et plus sombres, le froid et la neige firent leur apparition. Le foin des granges était plus parfumé et un soir, sans que personne n'y pense ce fut Noël. Noël de neige sale, Noël de froid, trou enfoncé dans la terre gelée et recouvert de branches cassées.

Le grand vent de la montagne s'était levé, il hurlait, lugubre, entre les arbres blessés et faisait rouler les boîtes de conserves vides.

Le seul confort, le seul point heureux, c'était tes grandes moufles en peau de mouton où tes mains étaient au chaud. Tout ton corps tremblait. Où est-il le camarade qui est venu se blottir dans ta tombe pour retenir sa chaleur ?

De temps à autre, il y avait le déchirement de la nuit. Les départs dans la vallée lointaine, le coup mat de l'arrivée précédé d'une clarté rougeâtre.

Les Minen curieux et mauvais fouillaient la forêt, cherchaient à nous trouver, espéraient un cri, tu sais, ce cri que tu as si souvent entendu.

La France était loin derrière toi, tu n'osais pas te retourner, tu avais peur d'être soudain ébloui par des milliers de lumières.

Tu espérais minuit, tu espérais qu'à la même heure, tous les clochers allaient sonner comme pour une trêve, que le son joyeux allait monter jusqu'à toi pour te dire que derrière cette nuit opaque qui te crevait les yeux, il y avait encore la vie.

Le camarade appuyé sur ton bras s'était endormi, il était confiant, il fallait que tu veilles. Et tu as veillé, mais veiller c'est aussi penser.

Une flamme claire dansait sur une bûche, tu voyais un sourire sur un visage aimé, tu entendait le rire d'un enfant. Tu entendais le bruit doux et régulier de la mer sur une plage, le bruit lointain d'un train qui ballottait sur ses rails. Tu revivais l'odeur d'une gare de triage, de l'essence, de la poudre. Tout, comme cette fameuse minute au soir de la vie où tous les souvenirs abondent d'un coup.

Tu commençais à t'inquiéter pour les gars qui étaient partis en patrouille. Ton fusil était là, dur, froid. Ton bras était ankilosé mais il fallait laissé dormir ton camarade.

Le front s'était calmé, l'air était devenu plus doux et, soudain, dans la profondeur de la nuit, l'horloge, la vieille horloge de Krüth, égrena un murmure, un murmure cristallin et pointillé comme un message et ton coeur a bondi dans ta poitrine.

Tu as encore pensé plus fort à tous, à ceux qui revenaient le nez écrasé contre les vitres d'un train, à ceux qui dormaient dans les granges rassemblées autour du clocher, aux grands blessés des hôpitaux qui luttaient contre leurs souffrances.

Tu pensais à eux comme ils pensaient à toi.

Un miaulement hargneux tourna dans la nuit. Les éclats vinrent déchirer l'écorce des arbres, c'était fini, la guerre était revenue.

Le camarade réveillé en sursaut ajusta son casque, tu sentais qu'il te regardait, surpris et interrogateur. Ces mots tombèrent comme de la glace : « Joyeux Noël vieux ! »

Cette nuit de Noël, toi aussi, tu repenseras à tout cela. Pense qu'un gars a veillé pour que tu dormes. Pense que nous étions tous frères. Pense qu'il faut que tu reparles de notre histoire avec ceux qui l'ont vécue et aimée. Cette nuit là, toi tu ne dormais pas, tu as pensé qu'il n'était pas possible d'oublier et tu l'aurais juré si quelqu'un te l'avait demandé.

Nous sommes toujours là, reviens passer quelques instants parmi nous, viens nous dire : «Joyeux Noël, les gars ! ». Nous comprendrions pourquoi tu viens nous dire ça.

Écrit du chasseur Guy Filhos.

 

La fin d'épine II & III- 28 décembre 1944.


Récit d'un rescapé.

A la Noël 1944, le CFP est dans la vallée de la Thur, ce long sillon qui dans les Vosges remonte de Than vers le nord.

En ce jour de fête, notre section , dont le chef est le Lieutenant de FUMEL est au repos à Krüth. Elle n'y restera pas longtemps . On la désigne pour remplacer le lendemain soir, la section PANETIER de la compagnie Souchet au point d'appui de Runsche. Le groupe BAUDOIN, doit occuper Epine II.

Quelqu'un nous dit : «Vous y serez au poil, à l'intérieur d'une maison. Bien sûr, vous aurez à prendre garde. Mais vous aurez du feu ! »

Donc, le 26 décembre au soir, nous montons en ligne, remplir nos missions de guet à l'abri des intempéries et nous reposer sur la paille. Car, jusqu'à ce jour, nous n'avons guère connu que les trous d'obus, des lisières de bois et de la terre boueuse ou enneigée, aussi bien à Servance qu'au mont des Rochons, au Thillot qu'au Gommkopf.

Nous sommes quinze à ahaner au-dessus de Krüth, dérapant à chaque pas sur le verglas. Il y a là, en file indienne, le chef BAUDOIN, le sergent-chef BORDENAVE, le sergent DUFOUR les chasseurs DALLA- BARBA, GABAROT, GANAT, LESIEUR, OURTIZ, SCHMIDT THOMY, TOLZAN Louis,TOLZAN Maurice et moi. (Pierre LARRE)

Dans la nuit, la relève s'effectue en silence. A notre arrière, le groupe FOURES s'enferme dans Epine III ; plus en arrière, à l'ouest, le groupe HENON occupe Epine IV ; quant au PC de FUMEL, il s'installe plus bas à Epine I. Les quatre postes constituent le point d'appui de Runsche. Plan du dispositif Epine.

Notre demeure provisoire était formée d'une maison séparée d'une grange par une cour. Les propriétaires et le bétail y étaient restés, malgré le danger.

Cependant, nos prédécesseurs avaient quelque peu tempéré notre confiance en disant : «Faites gaffe en vous rendant à la grange ! Camouflez-vous ! Les Boches sont là-haut !» Et d'un geste large, ils avaient montré les crêtes vers l'est. Mais, comme nous avions emporté avec nous des munitions en abondance et le ravitaillement d'une semaine, nous n'avions aucune raison pour nous exposer inutilement.

On se sentait en sûreté dans cette solide ferme à l'apparence de forteresse, avec son unique porte donnant dans la cour, et ses trois fenêtres entièrement fermées par des sacs de sable avec des petits créneaux à hauteur d'homme pour la surveillance et le tir.

 

A l'intérieur : un couloir, une étable, une cuisine et une chambre au rez-de-chaussée, un grenier et une cave. C'était largement suffisant pour quinze militaires, deux civils et quelques vaches.`

Quatre guetteurs sont mis en place : un derrière chaque fenêtre, un autre dans la grange. Puis la section PANNETIER part au repos à Krüth.

 

A l'aube, nous inspectons du regard le terrain autour de nous. Nous sommes au fond d'une cuvette enneigée, non loin d'un ruisseau. Devant nous, un pré monte vers l'ennemi ; derrière, en contrebas, on distingue " Epine III " puis un carrefour au-delà duquel est "Epine IV" ; à notre gauche, un terrain vague qui n'appartient à personne.

Dans la journée, des obus de Minen et d'artillerie semblent bien nous prendre à partie ; mais il y en a aussi sur Krüth, et, de l'autre côté de la vallée de la Thur à Frentz. Nos mortiers et nos canons, toujours vigilants, répondent. Au fond, c'est le scénario habituel des jours tranquilles. Nous n'avons aucune raison de nous inquiéter.

Un peu avant minuit, une corvée survient, apportant fil de fer et chevaux de frise. Le PC de notre groupe de commandos craint une attaque de notre point d'appui et nous envoie les moyens de l'enrayer. Il faut mettre le matériel en place dans le plus bref délai, à 150 mètres environ à l'est et au nord de notre poste.

Quatre d'entre nous sont désignés pour assurer la garde de la maison et de la grange : le sergent DUFOUR, LESIEUR, THOMY et moi. Les autres, sous les ordres du chef BAUDOIN, sortent ensuite. Il doivent se joindre au groupe FOURES pour travailler ensemble en partant du ruisseau. La nuit est claire, la lune baigne d'une lumière crue notre cuvette.

o O o

Brusquement, à 4 heures 30, un ouragan de feu s'abat sur notre poste. Des obus d'artillerie et de Minen éclatent avec fracas autour de nous.

A 4 heures 45, le tir est reporté sur nos arrières, dans le but évident de nous interdire toute retraite.

Cinq minutes ne se sont pas écoulées que, courant à toutes jambes rentrent nos onze camarades qui étaient au sud-est. Ils ont aux trousses une multitude de Boches venant du nord-est pour couper leur ligne de repli sur notre poste. Cette manoeuvre échoue de justesse.

Courageusement, le guetteur de la grange, LESIEUR, les couvre en ouvrant le feu. Le dernier, il pénètre dans la maison. Mais un poumon traversé par une balle, il s'écroule à l'entrée du couloir.

Aussitôt, le sergent DUFOUR s'élance. Dans l'obscurité il heurte un Allemand qui tire à bout portant. Atteint au genou gauche, il s'affaisse à son tour. Etant derrière lui, je réussis à le traîner dans la chambre, le couche sur le lit et fait un garrot avec sa ceinture. Puis, me posant derrière la porte de la cuisine, je l'entrebâille sept ou huit fois, jetant des grenades dégoupillées par SIMEON. Suit alors un duel à la mitraillette avec les Bôches, à travers la porte bientôt transformée en passoire. Les autres camarades viennent en renfort pour la défense de ce précaire et ultime obstacle. Sur ce, le sergent Dufour qui soufre horriblement, réclame un coup de gnole. Celle-ci est de l'autre côté de cette satanée porte. Il n'y a qu'un pas à faire pour l'atteindre. Mais, à chaque tentative,les Boches tirent ; on dirait qu'ils me voient les salauds ! Le sergent, inconscient s'impatiente. Il hurle : «Tu med l'apporte cette gnole, oui ou non ? » Alors, je mr décide. D'un bond je franchis l'espace dangereux dans un sens ; hativement, je m'empare dui bouteillon ; et d'un autre bond, je retourne auprès de mes camarades. j'ai de la chance, je suis passé entre deux rafales... Pendant que Dufour boit à petites gorgées, je regarde autour de moi.

Sous le lit sont couchés les propriétaires de la ferme. Comprenant ce que crient les allemands, ils se lamentent, croyant leur dernière heure venue. Je ne leur donne pas tort !

Puis je me tourne vers celui d'entre nous qui tire par le créneau de la fenêtre. C'est TOLZAN Maurice. Je vais lui demander ce qu'il voit, lorsqu'il fait un quart de tour sur lui-même, et tombe dans mes bras, il vient d'être tué d'une balle en plein front. Le sergent me dit de le déposer sur un petit banc et de remplacer à son poste de combat.

Evitant de mettre ma tête en face du trou, j'arme et décharge le fusil à bout de bras. Le bruit des détonations doit être suffisant pour tenir l'ennemi à distance, puisqu'il ne tente pas d'éventrer les sacs de sable. De temps à autre, je substitue à mon tir des grenades que dégoupille DUFOUR, allongé sur son lit.

Tout à coup, des beuglements se font entendre : les Boches ont mis le feu à l'étable ! Ces ceis sont insuportables : ils me déchirent le coeur. Bêtement, à cause d'eux j'ai une défaillance. Je pense aux être qui me sont chers comme si je ne devais plus les revoir : mes parents, ma fiancée, mes copains de Bayonne, autant de visages qui défilent. Et pourtantje n'ai pas peur. J'accepte la mort avec sérénité, puisque c'est pour mon pays , que je me sacrifie ! mais en me disant «tu ne rverras plus les tiens, cette fois, c'est bien fini», j'éprouve l'amertume de quitter la vie çà dix-neuf ans, et le regret de faire pleurer mes parents...

Cependant, dans la maison en flammes, se déroulent semblable à celles qu'on connaît à bort d'un bateau qui brûle en pleine mer.
il y a de l'affolement. Deux camarades, GABARROT et SCHMIDT, se précipitent dans la cave, croyant sans doute qu'ils pourront s'échapper par un soupirail. Ils mourront asphyxiés, n'ayant trouvé aucune issue.

Mais le sergent DUFOUR, avec sang-froid, fait enlever les sacs de sable qui obstruent la fenêtre de la chambre. Il faut faire vite : la chaleur devient intenable, les munitions stockées dans la pièce voisine explosent, une fumée âcre emplit nos poumons et trouble la vue.

Par l'ouverture qui domine le sol de cinq mètres, se coulent les civils et neuf de nos camarades, indemnes ou blessés. Leur apparition est saluée par des rafales de mitraillettes..

DUFOUR, THOMY et moi restons les derniers, en chemise pour mieux supporter la chaleur. Je veux sauver le sergent en l'emmenant avec nous. Mais il refuse de nous faire courir des risques plus grands à cause de lui. Lorsque, à son tour, la chambre commence à brûler, il se fait porter sur le bord de la fenêtre et nous donne l'ordre de fuir. Nous n'acceptons d'obéir que lorsqu'il promet de sauter après nous.

Avec THOMY, je me glisse alors à l'extérieur et en rampant sur une quinzaine de mètres, je gagne le chemin. Des balles sifflent ; ce sont les Boches qui tirent au jugé dans la fumée qui nous dérobe heureusement à leur vue. Trente mètres plus loin, je me retourne et décharge deux ou trois fois mon arme dans leur direction, puis terrassé par un commencement d'asphyxie, je perds connaissance. Plus tard, un chasseur d'Epine IV viendra me relever.

Quant au sergent DUFOUR, bandant toute son énergie, il s'est laissé rouler hors de la maison en flammes ; et, plaqué contre terre, s'arque-boutant sur sa jambe valide, il a réussi, lentement à s'éloigner du brasier sans se faire remarquer. Ce sont aussi des chasseurs du chef HENON qui le retrouveront.
A épine un ! où on nous a portés tous les deux,j e l'entends en reprenant ses sens, crier de douleur et d'effroi : « Coupez moi la jambe ! je ne veux pas que la gangrène s'y mette ! »

Quelques instants plus tard, il est dirigé vers le poste de secours de Krüth, 800 mètres plus bas. Quoique mal en point, je tien à être l'un de ceux qui le transporteront sur un brancard.

Tout à l'heure, je le quitterai avec les setimentls qu'un subordonné éprouve pour un chef valeureux doublé d'un ami fidèle.

Ainsi s'achève l'histoire du combat "d'Epine II".

Sur un effectif de quinze sous-officiers et chasseurs, l'un est mort : TOLZAN Maurice, deux sont disparus : GABARROTet SCHMIDT, cinq ont été blessés : DUFOUR, GANAT, LESIEURr, SIMEON, et TOLZAN Louis.

Du côté allemand , il y eu au moins treize tués, ainsi qu'en ont témoigné les croix de bois trouvés autour de la ferme brûlée, lorsque le CFP effectua le raid de Linthal, au-delà de la route des crêtes, vers la plaine d'Alsace, le 5 février 1945.

Récit de Pierre Larré. Etoile Noire, nouvelle série n° 25.

D'autre part, René Giraudon écrit :

Un obus met le feu au grenier plein de paille de celle des deux maisons qui est au sud "Epine III". Les Allemands mettent le feu à la ferme du nord "Epine II" puis se retirent sous les balles des défenseurs, mais un obus met également le feu à cette maison et le groupe l'évacue au moment où le toit s'effondre.
L'incendie de la maison sud "Epine III", s'est développé et la maison n'est plus qu'un brasier et ses occupants sautent par les fenêtres. Il y aura un mort et deux disparus dans la cave .

Les photos prises en 2005 sont celles de la ferme "Epine II", de la maison "Epine III", et de l'auberge "Epine IV".

Par un jour de brouillard, une section de la C.A.1 sous les ordres de l'aspirant DECOMBLE avait commencé à établir une position de mitrailleuses en 2ème ligne. Le soir, le temps s'éclaircit et les allemands aperçoivent les hommes en plein travail.
La nuit suivante quand la relève arrive à la position, une mitrailleuse allemande tire une salve de balles traçantes dans leur direction, il n'y a pas de blessé.


Quelques jours plus tard, la même section de mitrailleuses de la C.A.1 partant relever une position à la "côte 720", sur la pente du Gommkopf, est prise sous un tir de mortier au passage du pont sur le torrent près de la scierie, le chasseur
MAYMIR est blessé à la jambe par un éclat.

La période passée à Krüth sera pour le 1er Bataillon une véritable campagne.
Elle durera du
2 décembre 1944 au 7 février 1945. Elle sera très dure, non par les combats contre l'ennemi mais par ceux menés contre le froid et la neige, les hommes tenaient des postes dans la nature, dans des abris de fortune en rondins. Dans le ravitaillement de la nuit de Noël le vin et les conserves étaient gelés. De toute l'histoire du C.F.P., cette campagne sera la plus dure, ceux qui l'ont vécue ne pourront pas l'oublier.

Pendant ces deux mois, deux Cies. de "voltigeurs" sont en ligne en permanence, l'autre partie au repos soit à Frentz, soit à Krüth. La relève s'effectue tous les 8 jours. La C.A.1 tient les lignes en permanence, ( 2 sections de mitrailleuses, 1 avec chacune des 2 Cies. de voltigeurs ) c'est elles qui ont le plus souffert des intempéries.
Les sections de mortiers et des canons antichars sont en soutien sur l'arrière du dispositif, au niveau de la scierie.
La neige atteindra près de 2 mètres dans la montagne.
Le ravitaillement est très dur, le col d'Oderen est impraticable, les Allemands ont fait sauter le tunnel du col de Bussang, une déviation a été établie, mais chaque jour il faut déblayer la neige sur environ 400 mètres.

Les liaisons sont difficiles, il n'y a pas de Jeep. Le courrier arrive mal. Mais gradés et chasseurs veulent faire leurs preuves aux côtés des Unités de la 1ère Armée qui les observent au Sud et au Nord.

- Le 4 Février 1945, enfin, l'ordre est donné de reprendre la marche en avant.

- Le 5 février 1945. Dans la journée, la route des Crêtes est atteinte, par une section de la 2ème Cie (JANDEAU), malgré 2 mètres de neige, dans un terrain infesté de mines. Les 3ème et 1ère Cie occupent respectivement Sauwas, et le Griepkopf; la 2ème Cie attaque en direction de "Le Breitfirst" par la vallée du Runsche. Mais là aussi, la neige et les mines retardent la progression. La marche est très lente. Le chef POMMIES arrête la progression du 1er Bataillon qui se regroupe à Krüth.
Seul le groupe de commando poursuit sa marche. Après un raid audacieux et 14 heures de marche dans la montagne et la neige il atteint successivement le Lac de la Lauch, Niederlauchen, et Linthal dans la vallée de la Lauch, réalisant en ce point la liaison avec les troupes françaises qui descendaient la plaine d'Alsace.
Pendant ce temps, sous les ordres du Capitaine DOUMENC, les démineurs font sauter les mines antichars ; le pont du Runsche est rétabli. La Campagne des Vosges est terminée.
A cette minute, le Corps Franc Pommiès terminait la mission qu'il s'était assignée :
Participer à la libération totale de la France.

 

Le 7 février 1945, le 1er Bataillon rejoint Cornimont à pied par le col d'Oderen. C'est le repos et les premières permissions.


***********************************

- 2004 -

- Le 11 novembre, La commune de Krüth a célébré le soixantième anniversaire de sa libération par le C.F.P. le 4 décembre 1944. Une délégation de 12 anciens étaient présente à la cérémonie avec 2 drapeaux et arborant fièrement l'étoile noire.
Pour le président national délégué Roland VILLENEUVE, c'est le restaurant Perrin où s'était établi le Colonel POMMIES qui reste un symbole fort de la qualité de l'accueil : «Nous étions une unité de commandos, intervenant essentiellement la nuit et au petit jour. Notre tâche était de pénétrer les lignes ennemies, de harceler l'attaquant et de rapporter le maximum d'informations. Alors, disposer d'un endroit pour se reposer, se réchauffer, était très apprécié par les hommes. »

Dans le foyer communal, le maire Claude WALGENWITZ s'est adressé à l'assistance, puis aux jeunes participants à la commémoration :« Vous côtoyez des hommes qui se sont battus dans le froid, dans la neige, pour libérer votre village. Certains sont morts : eux aussi avaient des enfants de votre âge. Faites tout ce que vous pourrez pour qu'aucune autre guerre n'ait plus jamais lieu. »

 

Page précédente                                        Page suivante

Retour plan du site

 

© Yves Salmon-- 2002 - 2004 - 2010 - 2011
Tous droits de traduction, de reproduction
et d'adaptation réservés pour tous pays.