Préambule.
Pour raconter cette histoire, j'ai puisé dans des documents
qui nous ont été remis après la guerre, principalement
sur le 1er Bataillon auquel j'ai toujours appartenu. Les renseignements
sur la résistance dans le Sud-Ouest de la France son tirés
d'un document pédagogique édité par la Préfecture
du Gers avec l'autorisation du webmaster du site. Des informations
sont également tirées du livre "Le Corps Franc
Pommiès" du Général Marcel Céroni
et de René Giraudon avec leur autorisation.
En juin 1940, la France vient de subir la plus grande
défaite de son histoire. La France est occupée par
les allemands au nord de la Loire la partie sud est la "zone
libre". Le Maréchal Pétain va obtenir
les pleins pouvoirs et instaurer "l'État Français",
installé à Vichy . Il aura une politique
de collaboration avec les allemands. Les français font
confiance au vainqueur de Verdun chez qui il a une forte
popularité.
Cependant, de Londres un général peu connu, Charles
de Gaulle secrétaire d'état à la défense
lance le fameux appel du 18 juin 1940 qui sera peu entendu en
France. Il demande à tous les français de
continuer la lutte contre l'occupant. Cette volonté de
combattre se manifeste chez certains français, ils seront
les premiers résistants qui au cours des années
suivantes seront de plus en plus nombreux, et efficaces. Leurs
moyens sont modestes et pour lors peu de français ont la
même pensée.
Dans le sud-ouest, en zone libre, la situation est la même. Diverses formes d'opposition dispersées ne peuvent former un mouvement de résistance. Il faudrait que les divers résistants se regroupent pour être plus efficaces, ce qui est difficile, ne connaissant pas les amis potentiels. A Auch, de simple propos ont lieu au café Darolles entre amis d'avant guerre qui ont la même idée : refuser la défaite.
Préparée dès 1940, l'organisation de la résistance de l'armée (ORA) des généraux FRERE et VERNEAU, vit le Corps Franc POMMIES devenir en son sein la plus importante et la plus homogène des formations militaires de la Résistance. Son épopée s'inscrit sur le terrain, des Pyrénées à Berlin, et dans le temps, du 17 novembre 1942 au 7 septembre 1945, défilé interallié de la victoire à Berlin.
- En 1941, suite à ces diverses attitudes va naître la résistance organisée, celle des civils dans une action de propagande contre Vichy et les allemands, tout en cherchant des contacts avec Londres, celle des militaires pour le camouflage des armes et du matériel en vue des combats ultérieurs.
- Au mois d'octobre 1941, le contact avec Londres est établi. Il est question d'un parachutage provenant de la France Libre. Un opérateur radio a été parachuté dans la nuit du 10 au 11 septembre 1941. Le 14 octobre, une autre opération a lieue à Fontsorbes.
- Le 23 novembre
1941, le radio parachuté en septembre
est arrêté par la Sûreté de Toulouse.
Il donne des noms. Plusieurs Personnes sont arrêtées
à la suite de quoi, touché à sa tête,
le mouvement du Gers va connaître un flottement et
les ponts avec Toulouse sont coupés.
Les conditions de l'armistice de juin 40 autorisaient la conservation d'une armée de 100.000 hommes pour le maintien de l'ordre. A l'insu des allemands et de Vichy, son existence sous les ordres de chefs patriotes, allait permettre de préparer l'encadrement d'une future armée libératrice animée d'une flamme qu'il ne fallait pas laisser s'éteindre. Menant une vie normale en caserne et son instruction, Cette armée va mener une action clandestine à savoir le camouflage des armes et la constitution d'un fichier secret en vue d'une remobilisation.
En septembre 1940, le 2e régiment de Dragons prend ses
quartiers à Auch. A sa tête le Colonel SCHLESSER,
chef du contre espionnage de l'armée avant guerre.
Dès l'arrivée
du régiment des consignes sont données pour camoufler
le matériel et les armes qui ont échappées
aux allemands les mettant ainsi hors du contrôle des commissions
d'armistice. Cet armement provient du Lot-et-Garonne, des
Hautes Pyrénées et des dépôts
du régiment. Des camions d'armes et de munitions venant
de Tarbes, des automitrailleuses Panhard et des 202 Peugeot
venant du Lot-et-Garonne sont pris en charge par des officiers
du 2e Dragons. Ce matériel est transporté par des
camions civiles dans les grands domaines où la place ne
manque pas. Les armes sont dissimulées sous les combles,
dans les caves et les granges où elles sont recouvertes
de paille. Cette opération sera terminée avant la
fin du 1er trimestre 1941. Ces actions vont de pair avec celle
d'un organisme mi officiel, mi clandestin créé pour
cette entreprise, le CDM, "Conservation du Matériel"
pour le Bulletin Officiel, et "camouflage du Matériel"
pour les initiés dirigés de Marseille par
le Cdt. MOLLARD. En 1941 une équipe permanente est mise
en place à Auch et le PC gersois du C.D.M. est à
la Ribière. Le rôle de ce service, prenant
le relais du 2e Dragons est de camoufler tout ce qui peut l'être.
Cela va d'une roulante à du matériel d'optique.
L'orphelinat de Monferran-Savès, reçoit en
plus d'un stock de munitions, le matériel apte à
équiper un hôpital de campagne.
Des civils participent à l'action du C.D.M. : fonctionnaires
de la Préfecture, des Ponts et Chaussées, du Services
de Santé, des Domaines et des particuliers.
Récit d'Albert STURNI confortant ce qui précède, Paru dans l'Étoile Noire N° 194.
STURNI, après avoir fuit son Alsace pour ne pas être mobilisé par les Allemands, arrive avec un copain en zone libre. Pour échapper au S.T.O., il s'est engagé pour 3 ans dans l'armée d'armistice et il est à la caserne du fort Lamothe à Lyon. Voilà qu'un matin, sans que je m'y attende, je suis convoqué par le commandant de compagnie, le Capitaine MATHON. J'entre dans son bureau, salue, puis retire mon béret de chasseur. L'officier me demande de m'asseoir. Alors commence un interrogatoire dont je suis, aujourd'hui encore, ébahi. Cétait la mise à nu intégrale. En quittant cet officier, je n'avais plus rien à cacher. Il savait tout : sur moi, sur mon patronyme qu'il soupçonnait être un pseudonyme, sur ma famille, mes antécédents, mes pensées, intimes, ma haine des nazis ... Mais bizarrement, aucune question sur le maréchal Pétain. Enfin, presque brutale, fuse la question : «Pourquoi t'es-tu engagé ? » - «pour servir la France, mon capitaine ! »Telle était ma réponse. Alors, le regard franc et direct de cet officier me transperce. Il se lance, alors en une lente péroraison : « Mon petiot, je ne sais pas ce qui va se passer. Personne ne le sait. Pour l'instant les Allemands sont les maîtres .... quoiqu'il arrive, tâche de rester en contact avec moi.... » Son regard alors me foudroie, puis, calmement , il ajoute : «Tu peux disposer, mon petit.» Il me tend sa main, je lui tends la mienne, il la retient quelques instants.... Je salue, puis quitte son bureau..... À quelques jours de là, après le "cuisinage" du capitaine, je suis désigné pour une corvée. Corvée bizarre. Nous nous retrouvons une bonne quinzaine ou vingtaine " d'Alpins " regroupés dans un immense hangar, un gigantesque magasin. Quatre ou cinq carrioles sont parquées là, chacune avec une bâche, donc prêtes à être recouvertes. On nous ordonne de charger de lourdes caisses sur ces charrettes. Caisses spéciales, toutes anonymes. Que contiennent - elles ? Personne ne pose de question. Nous rabattons les bâches, les ficelons, puis, les unes derrière les autres, nous les poussons vers le fond de la cour de la caserne, les descendons vers le terrain de sport situé en contrebas jusque derrière une rangée d'arbres et de haies. Des bâtiments de la caserne, on ne les voit pas. Cela me semble de plus en plus curieux. Nous cachons quelque chose... Dès le soir, puis le lendemain, la caserne est consignée et, que voit -on arriver débouchant du poste de garde ? Des officiers allemands et italiens ! Stupéfié, la peur s'empare à nouveau de moi. Ces "messieurs" doivent être à la recherche de tous ces insoumis alsaciens ou lorrains, de ces parias qui ont osé ... Non me dit-on, il s'agit de la "commission d'armistice". Ils viennent contrôler. Contrôler quoi ? Le soir même, après la disparition de ces "messieurs", les charettes sont ramenées dans le gigantsque magasin, par les mêmes hommes de corvée que la veille. Périodiquement, les mêmes manoeuvres se répètent et, invariablement Allemands et Italiens viennent "contrôler". Je commence à saisir. Le capitaine a choisi ses hommes de confiance pour les corvées. Nous cachons des choses que ces "messieurs" doivent ignorer. Car nous cachons sûrement des armes interdites qui serviront bientôt contre ces "messieurs"....
L'armée de l'armistice
se prépare à reprendre le combat en créant
des groupes mobiles pour appuyer un éventuel débarquement
des alliés. Pour ce, il faut augmenter clandestinement
les effectifs autorisés par la convention d'armistice en
établissant un fichier secret des hommes libérés
en 1940 et 1941.
Le Capitaine de NEUCHEZE est chargé de l'opération
au 2e Dragons et, le Capitaine POMMIES,
futur chef du Corps Franc qui porte son nom, au 18e RI de Pau.
En novembre 1942, l'invasion de la zone libre par les allemands
va réduire à néant tous ces efforts. L'ennemi
s'empare en partie des dépôts de matériel
mais il semble que les fichiers de mobilisation secrète
soient préservés.
La volonté de résister qui se manifeste au sein
du 2e Dragons portera ses fruits. De nombreux militaires entrèrent
dans la résistance, entre autre au Corps Franc Pommiès
qui à son origine s'appelait Corps Franc Pyrénéen,
ce nom ne sera jamais utilisé mais pour simplifier on dira
« Corps Franc P » ou C.F.P. D'autres rejoignirent
l'armée d'Afrique au moment où elle reprenait le
combat aux côtés des alliés.
- En février
1943, le C.F.P. comprendra
:
- Un Chef (POMMIES) dont le P.C.et les transmissions sont à
Toulouse et aura une base de repli à Fonsorbes chez son
adjoint
(M. d'Aligny). Le capitaine du Temple de Rougemont est son chef
d'état-major.
- 4 groupements :
- Au sud-ouest : (Landes, Hautes
et Basses Pyrénées) sous les ordres du capitaine
BENONY, Qui dispose à Tarbes de l'école
de cavalerie de Saumure et du I-18e R.I. ; du II-18e
R.I. à Pau ; du III-18e R.I. à Aire sur l'Adour.
- Au sud-est : (Haute Garonne , Ariège) sous les ordres
du capitaine BARRY, des cadres du 23e R.I. de Toulouse.
- Au centre : (Gers) sous les ordres du capitaine de NEUCHEZE
: une partie du 2e dragons bien encadrée. Avec PELISSIER,
POMMIES, cherche à créer un commandement
unique du C.F.P.et de l'A.S. dans le Gers.
- Au nord-est : (Lot, Lot et Garonne, Tarn et Garonne) n'a pas
encore de chef, A Agen, des éléments sont sous les
ordres d'ESTEGUIIL, A CAHORS, Maître SEGUY attend
des instructions. Sur les ordres de MOLLARD, le C.D.M. de la 17e
division Militaire, peu fournir armement et véhicules
suivant besoins. POMMIES a déja bénéficié
des dépots risquant d'être à la merci de la
Gestapo.
- Le 14 décembre 1943, la répression allemande s'est activée dans toute la région de Toulouse et dans le Gers, c'est l'O.R.A., Corps Franc Pommiès qui a été le plus touché.
Pendant 21
mois, dans 10 départements du Sud-Ouest de la France,
le C.F.P n'a cessé de harceler l'occupant. Il attendait avec impatience l'heure
des vrais combats.
Les garnisons allemandes isolées tentent de se dégager
et de gagner Toulouse. Ce sont alors les combats de la
libération du Sud-Ouest menés par les Maquis
du Corps Franc.