Constitué uniquement de volontaires, pour la majorité originaires du Sud-Ouest de la France, encadré d'officiers et de sous-officiers d'active (armée de l'armistice) et de réserve, le Corps Franc Pommiès fut mis sur pieds au titre de l'Organisation de Résistance de l'Armée (O.R.A.) le 17 novembre 1942 après l'invasion de la zon libre par les allemands.
Il était organisé en groupes de 30 à 50 chasseurs, sous le commanement d'un chef. Il n'y avait pas de galons au CFP. Il y avait des chefs de section, de compagnies, etc... Pommiès était le chef du CFP. Il étaient en partie en uniforme des chantiers de jeunesse ou en civil.
- Du 17 novembre 1942 au 5 juin 1944, le Corps franc Pommiès s'organise clandestinement cependant qu'une partie de ses éléments attaque l'ennemi, met hors état de nuire 68 officiers ou agents de la Gestapo ( la plupart d'envergure ). Des membres de ses services spéciaux pénètrent dans les services secrets du S.R. allemand et démasquent des membres importants.
En même temps, il détruit méthodiquement les principaux moyens de transport, de production d'énergie dont dispose la région :
Le groupement du Gers
O.R.A. - C.F.P. , avait été confié par le
chef POMMIES , en novembre 1943 au lieutenant MILER, responsable
du chantier forestier de Ponsampère. Il le chargeait
de former un bataillon d'intervention et des unités de
réserve prêts pour la fin de l'hiver. Pour exécuter
ces ordres, MILER avait à sa disposition une grande partie
des officiers de l'ancien 2e Dragons. Malheureusement, le 14 décembre
1943, la Gestapo appréhendait la totalité de son
personnel à Ponsampère et à Mirande.
MILER échappait de justesse à la rafle.
C'est son adjoint le lieutenant Edmond ERNST qui le remplace.
Ensuite, le commandement du Gers est assuré par
le sous-lieutenant André MAGNE. Le groupement du Gers
est incorporé au groupement Nord-Ouest.
Malgré d'autres arrestations fin 1943 : celle de FAROUX
dit "FORGERET" à Tillac, d'André
DRANCOURT à Montesquiou. Le travail de recrutement
est activement mené à partir de février 1944.
Une compagnie est levée dans la région de Miélan
par René MARCHAL qui commence par désigner des sous-officiers
de carrière comme lui : BARBE, DAT, JACQUEMIN (gendarme
à Miélan) qui enrôlent de nombreux
jeunes de Baïse à l'Arros.
A l'est d'Auch, s'est établi le maréchal des logis chef LARRAT, ancien responsable du chantier forestier de "Forcets" à Miélan. Il devait en ouvrir un second à "Savis" près de Bassoues. La Gestapo étant venue il a dû momentanément congédier ses hommes. Abandonnant la vie en groupe, il les place chez des cultivateurs ou des artisans sympathisants. Sous de fausses identités, ils participent aux travaux de leurs protecteurs tout en étant rattachés à un chef de groupe. Il y a un groupe à Crastes, un autre à Castelnau-Barbarens et à Aurimont-Pontéjac. LARRAT, pour sa part, a élu domicile au moulin de l'Isle-Arné, chez les LARRIEU.
La section LARRAT est rattachée à la compagnie commandée par l'adjudant BOMAIN, prisonnier évadé en octobre 1943 qui n'a pas tardé à reprendre du service. Le contact établi avec la résistance, il a fait venir chez lui à Monferran-Plavès son compagnon d'évasion, le sous-officier Jean GIRAUD. Celui-ci va prospecter la région de Simorre.
Une autre section est formée par Yves RYVAL avec ses camarades du lycée d'Auch et des réfugiés de Mauvezin. Il a signé comme tous les officiers, le serment du C.F.P.
Deux autres compagnies sont
formées :
- l'une à Auch sous les ordres de l'adjudant GRATTARD
qui reprend à son compte une unité sur le point
de passer à l'A.S.
- L'autre avec les militaires de l'armée de l'air affectés aux postes de guet de la Sécurité Publique. Le personnel est passé en totalité dans la résistance. Il obéit dans le service comme dans l'organisation clandestine au Lieutenant PAPIN, en poste à Auch.
Dans la région de Lectoure, le recrutement est bien avancé grâce à un civil Théodule CANTALOU qui a regroupé autour de lui des réfractaires au S.T.O. et des hommes sûrs. Ils constituent de solides équipes pour l'enlèvement des parachutages.
L'enrôlement est poursuivi
par André DELARBRE, adjudant de carrière reclassé
dans l'administration. Il a d'utiles contacts dans tout le canton.
Il fait entrer dans la résistance active Roger BEZOMBES
qu'il charge de former un groupe.
- Fin 1943
: L'articulation du Corps
Franc Pommiès est la suivant :
- Groupement Sud-Ouest
: capitaine BENONY
(Hautes Pyrénées, Basses Pyrénées
et partie des Landes.
- Groupement
Sud-Est : commandement provisoirement
assuré par le capitaine de ROUGEMONT puis par le lieutenant
MILER.
(Ariège, sud de la Haute Garonne et partie Sud-Est des
Hautes Pyrénées, « La Barouse » )
- Groupement
Nord-Est : capitaine CRAMAUSSEL
(Lot et 3/4 nord du Tarn-et-Garonne)
- Groupement
Nord-Ouest : capitaine Désiré
ERNST
(Lot-et-Garonne, partie de la Gironde à l'est de la ligne
de démarcation)
- Groupement
Est : chef d'escadrons de
CLERCK
(nord de la Haute-Garonne, sud du Tarn-et-Garonne, partie de l'Aude)
- Groupement
du Gers :
lieutenant MAGNE
L'année 1943 s'achève. Elle aura été pour l'E.M. du Corps Franc Pommiès essentiellement consacrée à l'organisation, aux liaisons avec Londres, Alger et l'O.M.A., ainsi qu'une unité d'action avec les autres organisations de la Résistance.
- En mars
1944 : Dans l'Ariège,
sous l'autorité de PUYO, le recrutement se poursuit au
cours du 1er semestre 1944.
Ce dernier coordonnait l'action des 2 secteurs de l'Ariège,
dont les responsables sont : EVRARD pour Foix et Pamiers et CLARAC
pour Saint Girons. Mais MILER estime que PUYO surveillé
par les Allemands ne peut circuler librement, aussi prend-il directement
sous ses ordres la vallée de l'Ariège, laissant
à PUYO la vallée du Salat.
Le début de l'année
1944 fut catastrophique pour ce Bataillon. Livrés aux allemands
par un sous-officier français (l'adjudant Vincent) les
cadres sont arrêtés ou doivent se cacher.
Le Lieutenant PUYO est arrêté à St. Girons.
Les Lieutenants : DOUMENC, EVRARD, CLAMOU, doivent fuir. Leur
appartement reçoit la visite de la Gestapo qui fait le
vide chez eux. A Pamiers et dans la région environnante,
CLAMOU va laisser son commandement à E. de SAINT MARTIN
instituteur à Escosse.
EVRAD recherché par la Gestapo doit se cacher, son adjoint le lieutenant DOUMENC, prend le commandement de la vallée de l'Ariège.
A la fin de ce mois, un événement important survient. Venant de l'E.M. de Paris, M.ASCHER (Ravanel, Verdun Brotto) est affecté en R4. Il devient chef des Corps Francs de la Libération (C.F.L.) des Mouvements Unis de la Résistance (M.U.R.).
Le 5 avril
1944, les effectifs du C.F.P.
s'élèvent à 8.800 volontaires, dont 5.300
en unités organisées.
En ce début d'avril 1944, POMMIES confie au lieutenant
CERONI, dans le cadre du groupement S-O, la mission de mettre
sur pied un bataillon dans la région des Hautes-Pyrénées,
située entre Castelnau-Magnoac et Trie-sur-Baïse,
à l'est de Tarbes. But : protection du P.C. du Corps Franc,
lors du déclenchement des opérations.
Le 18 avril, POMMIES dissout le groupement du Gers
à la suite des différents problèmes qui se
sont posés dans le commandement de ce groupement.
La
partie du Gers est rattachée au Groupement DE KLERCK (avec
le Bataillon Unbekandt)
Deux nouveaux Groupements sont
créés :
Le Groupement Centre, sous la responsabilité de CERONI,
dont la zone d'action la partie des Hautes-Pyrénées
située à l'est de Tarbes et la partie du Gers située
au sud d'Auch.
Le groupement Ouest confié
à MILLERET qui est en réserve de commandement depuis
5 mois. Sa zone d'action comprend, la partie des Landes située
à l'est de la ligne de démarcation et l'Ouest du
Gers.
Le 20 avril 1944, un nouvel opérateur radio venant d'Alger, SANTENOISE ( Sylvain) avec 2 postes, rejoint le C.F.P. Il est envoyé dans l'Ariège chez l'ami Vigouroux qui hébergeait le radio LEFRANC ; ce dernier ne se sentant plus en sécurité, a quitté l'Ariège en mars, pour le Tarn-et-Garonne. VIGOUROUX ne peut prendre SANTENOISE et le loge près de Varilhes. POMMIES l'envoie ensuite à Gourdon.
Le 27 avril 1944, un accord survient sur la répartition des opérations de destruction à réaliser. Celui-ci qui prend le nom de « Plan Vert », fait l'objet d'une note en date de ce jour du délégué militaire régional (Brice) .
Le 28 avril 1944, à la suite d'une entrevue avec le général REVERS à Paris, le Chef POMMIES est informé des conditions dans lesquelles seront connues les dates d'alerte et le jour « J ».
De retour à Toulouse,
il diffuse la note suivante en date du 28 avril :
«
L'alerte et le déclenchement des opérations seront
données par la B.B.C. au cours des émissions de
19 h 30 et 21 h 15 ».
« Ces phrases
seront les suivantes :
- Alerte : P.5. ................................................... Messieurs faites vos
jeux.
- Alerte
: P.8 ....................................................Le rideau est tombé.
- déclenchement
des opérations :
- P. 12 : Véronèse
était un peintre.
- P. 15 : Le
père la cerise est verni ».
L'alerte peut-être donnée
sans être suivie du déclenchement des opérations.
Par contre, les phrases de déclenchement peuvent être
émises sans préavis de la phrase d'alerte. Lors
d'une émission des phases P.12 ou P. 15, tous les membres
de la Région militaire se rendront sur les lieux de convocation
dans les conditions prévues. L'appel sera fait, les unités
complétées, les armes, les munitions, les explosifs
distribués, l'instruction vérifiée. Les opération
seront déclenchées par les chefs de section et de
compagnie, sans autre indication, à J.2. (Il est rappelé
que J.1 est le premier jour d'émission de P.12 et P.15)
.
- Le 8 mai 1944, PUYO et son adjoint BERTINO sont arrêtés par la Gestapo ainsi que d'autres responsables. Pour palier l'absence d'explosifs, le sous-groupement de l'Ariège reçoit l'ordre début mai d'aller retirer 300 kg de plastic destinés aux sabotages. P.RABAT exécute cette mission, mais les peux sympathiques F.T.P. dérobent ces explosifs dont s'empare à son tour la Milice.
Vers le 10 mai, le chef POMMIES propose au M.U.R. dépourvu de postes radio, d'écouler leur trafic avec Londres et Alger. L'offre est acceptée et le C.F.P. en rend compte à l'E.M. du général KOENIG.
Le 15 mai 1944, la Gestapo arrête VIVIEN, son adjoint pour la Haute-Garonne, MAUMUS est également pris par la Gestapo. Fin mai, le radio LEFRANC au cours d'un déplacement est arrêté à la suite de ses imprudences de langage. Il réussira à s'évader à Artenay avec 7 autres détenus. Il rejoindra le bataillon VIGNAUDON du C.F.P. dans le Lot.
Le 1er juin 1944, la B.B.C. émet le message « Messieurs faîtes vos jeux ». Ce qui met les unités en alerte.
- Le 5 juin
1944, à l'approche de l'alerte générale,
la situation est très grave. MILER réussit à
rejoindre DOUMENC (GOUDÈNE) près de Pamiers
. Après avoir examiné la situation ils conviennent
que faute d'armes, ( l'Ariège ne dispose que de 3 mitraillettes,
28 grenades Mills et 60 charges pour destruction de voies ferrées.
Un seul parachutage réussit dans la forêt de Fabas
le 7 mai 1944) .
La mobilisation du CFP dans ce
département ne se fera que sur ordre de MILER.
Le soir, la B.B.C. diffuse les fameux et historiques messages du déclenchement des opérations :
« VERONESE ETAIT UN PEINTRE » P.12 et « LE PERE LA CERISE EST VERNIS » P. 15.
- Le 6 juin 1944, Prendre le maquis dans ces conditions s'avère impossible. Les Allemands sont nombreux à la frontière espagnole et la Milice est également en force, à la caserne de Foix, et à l'école de la milice à Pamiers. Les chefs, tel que GARDERIE, sont du pays même et ne cessent de perquisitionner, patrouiller et de déployer une forte activité.
La Gestapo, très puissante
se méfie énormément pendant cette période
et n'a plus confiance en la police française qui en grande
partie travaille pour la résistance.
Cependant sur l'ordre du chef de Bataillon DOUMENC une Compagnie
nouvellement formée au Mas d'Azil sous le commandement
du Lieutenant BRUYERE gagne le détachement MALLART aux
environs d'Auch après avoir forcé les barrages
établis par les Allemands aux ponts sur la Garonne.
Une opération tentée pour délivrer le Lieutenant
PUYO pendant son transport de Foix à Toulouse
échoue par manque de confiance et malchance à la
fois.
La 2e Compagnie du 1er
Bataillon a trouvé pour la plupart de ses éléments,
ses origines dans les mouvements de jeunesse. Des antimaquisards
qui n'acceptaient pas les maquis Haut-Pyrénéens
pour des raisons diverses, s'y trouvent réunis à
des maquisards authentiques, sous la direction du Commandant LEFEVRE
dès la prise de Tarbes.
Dès cette époque, le Lieutenant HENRAT fait fonction
d'adjoint au Commandant, tandis que les Capitaines SOUCHEZ et
BLANC et les Lieutenants UNVOIS et CONSTANT commandent les Compagnies.
Le recrutement est exclusivement Haut-Pyrénéen,
Bigourdan et Basque.
Les forces du C.F.P. se répartissent
en deux échelons :
- l'échelon G ou unités de guérilla qui auront
pour mission de harceler l'ennemi;
- l'échelon D ou Destruction comprenant des unités
D.V.F. chargées du sabotage des voies ferrées et
des unités D.T. visant l'interruption des télécommunications
par coupure ou destruction des supports.
- Début
avril 1944, les effectifs
pour le Gers sont les suivants :
Unités G de guérilla : encadrement et troupe 361
hommes
Unités D.V.F. : encadrement et troupe 25 hommes
Unités D.T. : encadrement et troupe 25 hommes.
A
l'exception de la compagnie de Lectoure qui est rattachée
au secteur de Garonne, les éléments gersois
constituent jusqu'au 15 avril le bataillon d'Auch. A partir
de cette date, le chef POMMIES ayant remanié ses groupements,
le Gers est partagé entre :
- Le groupement Nord-Ouest, chef Désiré ERNST,
- Le groupement Ouest, nouvellement créé, comprend
la partie Ouest du département, chef : Jean de MILLERET.
- Le groupement Centre comprenant la partie sud d'Auch,
chef Marcel CERONI.
- Le groupement Est, auquel est rattaché l'Est du département.
Il absorbe les compagnies BOMAIN, GRATTARD et PAPIN ainsi que
la section GOUZY-SERIN dans le canton de Saint-Clar. L'ensemble
constitue un bataillon commandé par le Lieutenant Pierre
UNBEKANDT. Le C.F.P. bénéficie de nombreux parachutages
obtenus par le S.A.P. soit par le M.R.P.G.D.
Sous la direction de MAGNE, assisté des Lectourois DANZAS, GLEIZE, LESCA, SEGUIN, VIDAL, le terrain de "Lamothe", situé en bordure du Gers à 3 kilomètres de la ville est le théâtre de ces opérations aériennes par deux fois au cours de la lune de février, une autre fois sans doute début mars. Ce terrain a reçu le 8 novembre 1943 deux envoyés de Londres Bernard AMIOT et Jacques PARIS en présence du chef POMMIÈS. Le matériel est déposé chez la marquise de GALARD à Terraube puis déménagé à "Foumagne" propriété FOURNEX. Il en est caché également à proximité de l'hôpital de Lectoure.
La compagnie BOMAIN dispose
de deux terrains, l'un à Monferran-Plavès,
l'autre à Bellegarde-Adoulins. Ils reçoivent
plusieurs parachutages de mars à début mai 1944.
- Le 8 mai, la Milice arrête BOMAIN et GIRAUD et s'empare
d'un dépôt au "Berros", à
Monferran. Le dépôt que garde à Moncorneil
Elie ROBERT, beau-frère de BOMAIN, a pu être
enlevé à temps par une équipe du groupement
CERONI.
A l'Ouest du département zone d'action de, de MILLERET, grâce aux bons offices de l'agent du S.A.P. "BERNARD" l'O.R.A. - C.F.P. reçoit sur le terrain "Jardin" à Aurensan , un avion la nuit du 28 au 29 avril 1944, un autre une semaine après à Ayzieu, sur la lande du "Catalan", dans la nuit du 13 au 14 mai, l'équipe ALLAVENA réceptionne une quinzaine de containers mais ne peut en enlever que la moitié, la seconde partie est retirée par les éléments A.S. du bataillon de l'Armagnac.
- Le 23 mars 1944, NAVARRO apprend dans la soirée, par Mme. Monblanc Joan-Grangé voisine de palier de CERONI, que celui-ci ainsi qu'un membre de l'AS, M. MONTIES ont été arrêtés par la Gestapo, dans l'immeuble 1 rue du Prado à Tarbes. Après interrogatoire au PC de la Gestapo, ils sont enfermés au quartier Soult, à Tarbes. Ils doivent être transférés à Toulouse.
NAVARRO détruit aussitôt les documents qu'il possède. Puis à l'aube du 24, il fait prévenir son chef et va aux nouvelles. Rôdant autour de la Feldgendarmerie, il rencontre VIDONI, interprète de la Gestapo de Tarbes. Ce triste sire dit que l'affaire est grave, puis, devant cet homme inquiet du sort de son beau-frère, laisse échapper que les inculpés ne sont plus au siège de la Gestapo et qu'ils doivent être conduits à Toulouse pour être soumis à un interrogatoire.
Les prisonniers ne peuvent donc être que dans les cachots à la prison du 24e RA, quartier Soult, alors occupé par 2 bataillons SS. NAVARRO, dont les réflexes sont rapides, songe à les enlever au cours de leur transfert, qui peut se faire soit par la route, soit par la voie ferrée. En conséquence, il place, en surveillance permanente, une équipe à la sortie de la caserne, et une commandée par DEJOIE,( Modo) à Séméac, sur la route de Toulouse ; celle-ci, à bord d'une puissante voiture, doit prendre le convoi allemand en chasse. Une troisième équipe surveillera la gare lors du départ des trains et montera dans la même rame que les prisonniers. Dans l'un et l'autre cas, l'attaque de l'escorte aura lieu sur le plateau de Lannemezan, en un point où un maquis du CFP, prévenu prêtera main-forte. Si rien ne s'est passé à 19 heures, tout le monde se retrouvera chez DEJOIE, où sera préparée une opération nocturne sur la prison.
CHAUVIN, l'adjoint de NAVARRO, donne alors une idée à son chef : « cuisiner » L...., du service des gardes-voies, en relation étroite avec les occupants. La rencontre a lieu dans l'arrière-salle d'un estaminet.
« Vous fréquentez les Allemands et plus particulièrement la Gestapo, dit NAVARRO tout de go à L... Nous vous surveillons, cherchant l'occasion de vous « descendre . Il nous faut des renseignements si vous tenez à la vie »
Alors, à la grande surprise de son interlocuteur, l'autre exhibe une carte d'identité au nom de Pommiès, il déclare avoir travaillé pour la Résistance dans le Gard et donne le nom de ses chefs. Inquiété, il s'est enfui. Mais à Tarbes, ayant réussi à capter la confiance de l'ennemi, il recueille des informations sur les mouvements de troupe et de matériel grâce à son emploi à la gare.
Dans l'après midi, L...signale que les Allemands sont persuadés de tenir deux chefs avec CERONI et MONTIES ; que la Gestapo et une partie des S.S. sont en expédition pour la journée, probablement contre un maquis. Cependant, NAVARRO, méfiant, l'invite à participer à l'expédition éventuelle qui aura lieu dans la nuit ; et il le prévient que si les S.S. paraissent avoir été alertés, il sera immédiatement abattu.
Au cours du même après-midi, l'équipe de surveillance à la sortie de la caserne rend compte qu'elle a amené chez des amis un prisonnier qui vient d'être libéré. NAVARRO se rend auprès de lui avec les précautions d'usage, car on pourrait avoir affaire à un provocateur. L'homme qui paraît être âgé de 45 ans, est extrêmement faible et a manifestement subi de mauvais traitements. Il indique entre autres l'effectif habituel et les heures de passage de la ronde, l'emplacement exact des cellules occupées par CERONI et MONTIES, la possibilité qu'un factionnaire se trouve dans la cour de la prison.
- A 19 heures, il faut abandonner l'idée d'un enlèvement en cours de transfert ; le dernier train est parti et la nuit est tombée sans que les équipes de surveillance aient vu passer les deux captifs. Jamais les Allemands ne se risquerons à prendre la route de nuit. L'évasion s'impose donc.
Comme convenu, les chefs et chasseurs se retrouvent chez DEJOIE à cet effet. A eux se sont joints quelques hommes du groupe MONTIES, dont LAMOUSSE. Soit 17 au total.
NAVARRO expose son plan ;
«La prison est à
l'angle nord-est de la caserne. On y entrera par escalade. Celle-ci
fera l'objet d'une protection très étoffée.
En conséquence, un premier groupe de quatre
dépassera la caserne sur la route de Bagnères
et surveillera la porte EST. Il a pour mission d'annihiler sans
bruit la ronde qui pourrait la franchir.
Un groupe
de neuf s'installera dans les tranchées de la défense
passive situées à dix mètres de la grande
porte d'honneur de la caserne et à 15 mètres environ
du poste de garde permanent. Il a pour mission de surprendre le
poste et de le museler si la sentinelle semble s'inquiéter.
Le groupe d'escalade, à l'effectif de 4, opérera
après la mise en place des deux groupes de protection.
Une échelle de huit mètres sera dressée contre
le mur de la prison. J'y monterai seul...
S'il
y a un factionnaire et qu'il m'aperçoive, je serai abattu
; ce sera l'échec et tout le monde s'éclipsera rapidement.
S'il ne me voit pas et qu'il se promène, j'attendrai qu'il
soit à mon aplomb pour lui sauter dessus, après
une chute de six mètres je l'assommerais probablement.
Je serai peut-être assommé aussi, ou embroché
sur sa baïonnette, mais l'essentiel sera fait. Si je suis
embroché, je serai remplacé par Dejoie et Sarrazin.
Il faudra ensuite passer l'échelle à l'intérieur,
aller ouvrir la cage de nos oiseaux, libérer leurs mains,
repasser l'échelle à l'extérieur. S'il n'y
a pas de factionnaire , tout ira bien.Dans le cas d'une ronde
en cours d'opération, l'assommer dès qu'elle ouvrira
la porte.
Repli dans l'ordre inverse : groupe d'escalade,
puis groupes de protection.»
Suivent les
indications complémentaires...
- Nuit du 24
au 25 mars 1944 :
1 heure du matin : les équipes de protection sont en place.
L'équipe d'escalade, munie de pinces, de scies, de marteaux
et de cordes, place l'échelle de bois contre le mur de
5 mètres. NAVARRO monte le premier, il passe la tête
par-dessus le mur et observe . C'est un trou noir, il ne voit
rien. Il faut faire passer l'échelle. Opération
épineuse. A ce moment, alerte. Deux phares trouent l'obscurité.
Les gars enlèvent prestement l'échelle, traversent
la rue et disparaissent dans l'ombre. NAVARRO gagne un toit,
s'aplatit sur le ventre et surveille.
Les feux se rapprochent. Il distingue deux SS cyclistes qui rentrent
à la caserne et que l'équipe de protection laisse
passer tranquillement.
Les trois reviennent avec l'échelle qui est remise en place.
SARRAZIN monte et aide NAVARRO à la hisser, puis à
la basculer à l'intérieur. Le bois crisse un peu
sur le ciment mais ne donne pas l'éveil.
NAVARRO descend et va droit à la cellule désignée
comme étant celle de Céroni. Il gratte à
la porte et appelle à voix basse : « Marcel
! ». Bruit de paille. Il fait glisser l'énorme verrou
rouillé qui grince. CERONI apparaît, mains liées
en avant. Scie à métaux. La chaîne est coupée.
« Je savais que vous viendriez » dit il. En un clin
d'oeil, il gravit l'échelle et disparaît de l'autre
côté. C'est un sportif...
Il reste à délivrer MONTIES. Même bruit de
paille, même verrou qui grince. L'homme sort. Il souffle
comme un boeuf, tourne en rond et ne réalise pas. Quand
NAVARRO scie sa chaîne, il pousse des cris de douleur étouffés
: il a un ongle arraché et tremble de fièvre. NAVARRO
le met devant l'échelle. Il monte péniblement et
une fois en haut veut sauter de l'autre côté. Comme
il pèse 110 kg, il se tuerait. SARRAZIN et DEJOIE perchés
sur le mur le retiennent et l'aident à descendre avec des
cordes.
Dernière inspection des cellules, elles sont vides, plus
personne à libérer. Dommage tant qu'on y était.
NAVARRO à son tour, franchit le mur avec ses hommes, on
repasse l'échelle, puis chacun disparaît dans la
nuit.
NAVARRO retrouve les captifs au point initial. En sciant les bracelets, la lame enlève un peu du poignet de CERONI. Deux minutes après, les évadés gagnent un refuge sûr dans les maquis.
Au matin tandis que nos amis dormaient bien sagement, les Allemands constatèrent l'incroyable évasion. Le poste de guet avait entendu quelque chose, la sentinelle était sortie... puis rentrée sans avoir rien vu de suspect. Pour prix d'une telle vigilance, un sous-officier et 4 hommes des bataillons S.S. furent passés par les armes.
Nota : Noms des 16 camarades
ayant participé à l'opération :
Appartenant au Corps Franc Pommiès : Dejoie, Sarrazin,
Viltard, Martin, Gaudron, Chauvin, Perrad, Eishen, Dorkel, Audouaire,
Mathieu, Dejeanne, Préal, Garces
et à l'organisation Combat : Lamousse et Cantalejan Abel.
- Au début
de l'année 1944, les Allemands
ont intensifié la lutte contre la résistance au
début de l'année 1944. A Tarbes, le sous-chef et interprète de la Gestapo,
VIDONI, est le plus actif.
Le chef BENONY commandant le groupement S-O du CFP jugeant cet
homme dangereux décide de l'éliminer. Il sera enlevé
ou exécuté avec l'autorisation du Chef POMMIES.
C'est au chef de MAUPÉOU, adjoint de BENONY, de désigner
celui qui sera chargé de la mission. Il choisit l'adjudant
de cavalerie SARRAZIN dont l'audace, l'intelligence et la connaissance
des lieux sont des garanties de réussite.
Celui-ci imagine un plan fort
simple. Il sait que VIDONI est un habitué du bar "l'Obstacle",
en plein centre de la ville sur la place de Verdun, juste en face
du siège de la Kommandantur.
- Le 31 mars
1944, à 19 heures 30, le dispositif prévu
est mis en place. Mme. SARRAZIN entre dans le bar et se mêle
à une conversation qu'a la propriétaire avec VIDONI
. SARRAZIN et ses coéquipiers se placent devant la sortie
principale du bar, rue Despourins, une camionnette étant
rangée le long du trottoir opposé.
Un peu avant 21 heures, il
faut renoncer à l'enlèvement et se résoudre
à l'exécution. SARRAZIN renvoie TIXADORT et NUNEZ
avec la camionnette.
- A 22 heures, la sortie principale du bar est fermée.
EISCHEN relève Mme. SARRAZIN qui rentre chez elle après avoir prévenu
que VIDONI est armé. Les six autres attendent devant la
porte de service.
- A 22 heures
30, EISCHEN sort ; il précède
VIDONI comme convenu. Dès que celui-ci paraît, DORCKEL
tire sur lui à bout portant deux coups de «silencieux»,
VIDONI s'affaisse, mais c'est une feinte. Tout en faisant semblant
de tomber, il dégaine son arme et la décharge sur
ses assaillants qui, ne sont pas atteints.
Bien que surpris, SARRAZIN riposte aussitôt avec son revolver
et VILTARD avec sa mitraillette Sten jusqu'à ce que leur
adversaire semble être mortellement touché.
Au bruit de la fusillade, la sentinelle de la Kommandantur intervient avec son fusil mais les sept hommes se fondent dans la foule qui sort d'un cinéma et courent au domicile de SARRAZIN.
Le lendemain, l'un des membres
du groupe, le policier Martin se rend à la morgue où
il apprend que sur les dix-neuf balles tirées , une seule avait
atteint Vidoni. Entrée sous le bras droit, au défaut
d'une cotte de mailles dont l'existence était ignorée,
elle lui avait été fatale...
Fin 1943, le chef POMMIES avait prescrit aux chefs des groupements de prévoir une section de destructions.
Chaque fois que possible, la responsabilité de ces sections « D » sera confiée à un cadre d'active qualifié, en principe du génie.
Le 15 novembre 1943, deux hommes sont parachutés au lieu-dit Lamothe, dans la région de Lectoure dans le Gers. L'un des parachutés, Jacques PARIS quitte aussitôt les lieux pour une destination inconnue. l'autre est Bernard AMIOT ( Bernard Dillon ), il est envoyé par Londres comme instructeur, pour l'emploi des explosifs. Il aura autorité sur toutes les sections « D » des groupements.
Le 4 mars 1944, à Oroix, Philippe LAUZIER, instructeur
d'explosifs, sergent au 1er bataillon de choc en Afrique du Nord
est parachuté et va travailler avec AMIOT. Il recrute son
propre frère et son cousin François DARRIGRAND pour
faire partie de la section «D » Amiot.
Les
renseignements lui étant nécessaires lui sont fournis
par l'organisation territoriale du C.F.P. , "les Compagnons
de France" . Les sections « D ». Exploitant leurs
informations, trouvant des complices sur place, Amiot exécutera
des actions spectaculaires. La section « D »
dispose pratiquement de la section de destruction du Groupement
N-E dont le chef est PERETTI ( Rossard ).
AMIOT met hors d'usage des
locomotives utilisées sur la ligne Paris Toulouse :
-
le 19 décembre 1943, à
Montauban, 19 locomotives détruites.
- le 14 janvier 1944, à Cahors, 9 locomotives.
-
le 31 janvier
1944, de nouveau à
Montauban, 10 locomotives.
Puis il sabote des établissements
travaillant pour les Allemands :
- le 5 mars 1944, l'usine
de la compagnie des métaux à Castelsarrasin.
Dans son livre "Le Café du Pont" Pierre Perret fait allusion à cette intervention . Un ami de son père, André EHANNO, qui se faisait appeler Machaut, vint le prévenir que son groupe de maquisards allait faire sauter l'usine la nuit suivante. Comme elle se trouvait à 300 mètres du café, il valait mieux laisser ses fenêtres et portes vitrées ouvertes pour éviter qu'elles ne soient détruites par l'explosion. Chez les voisins, toutes les vitres furent détruites et tous se posèrent la question sur les vitres intactes du café Perret. Cet ami fesait partie du C.F.P. du 1er mars 1944 au mois d'octobre 1944. Il appartenait à la compagnie de Furnel du bataillon Francot. Il a participé aux opérations d'Astaffort, l'Isle -en- Jourdan et Autun.
- Le 11 mars 1944, l'usine d'aviation de Cugnaux à Toulouse,
qui fabrique des voilures.
- Le 25 mars 1944 « La Moyenne Garonne », fonderie de
métaux non ferreux, produisant du cuivre et du zinc à
Montbartier ( Tarn et Garonne ).
- Le 8 avril 1944, la compagnie de raffinage à Boussens ( Haute Garonne ).
- Le 14 avril 1944, l'usine d'optique et de mécanique S.F.O.M. à Pau ( Basses Pyrénées ).
- Le 17 avril 1944, l'usine d'aviation de Saint-Eloi à Toulouse, fabriquant des cellules.
- Le 5 mai 1944, à nouveau la S.F.O.M. de Pau où le travail a repris au ralenti.
- Le 13 mai 1944, les "Constructions Mécaniques du Béarn", usine de moteurs d'avion Dewoitine à Jurançon ( Basses Pyrénées ), où se trouvent entreposés des moteurs de forteresses volantes remis en état par les Allemands. Résultat de l'opération : 30 machines-outils et 30 moteurs sont détruits, ainsi que l'effondrement du bâtiment et l'incendie de 1.200 litres de carburant.
Entre-temps PERETTI détruit :
- Le 5 mars 1944 , un transformateur à la gare de Castelsarrasin.
Amiot dans la nuit,
- Du 9 au
10 mars 1944, à la
tête de son groupe formé par un volontaire et 3 membres
de l'O.R.A. de Gaillac endommage gravement 8 locomotives à
Tessonière ( Tarn )
- Le 28 avril 1944, en plein jour, sur la route de Muret à Toulouse, il fait voler en éclats 2 presses métalliques, destinées à la fabrication d'ailes d'avions Focke-Wulf, transportées par camion.
Au début de mai 1944,
le Chef POMMIES décide de s'attaquer aux lignes à
haute tension de 150 KV.
- Le 5 mai 1944,
une coupure est réalisée sur celle qui relie Portet
à Saint-Victor.
A la même époque,
le B.C.R.A. donne l'ordre d'une action simultanée sur tout
le territoire.
- Du 12 au 14 mai 1944
inclus. Le C.F.P. isolera le poste de répartition de Lannemezan
ainsi que le poste d'aiguillages de Jurançon. D'autres
lignes importantes seront également coupées.
Récits tirés
du livre du Général CERONI : "Le corps franc
Pommiès". (édité en 1984,
revu et corrigé édition 2007)