I ) - La situation actuelle du C.F.P. se présente de la façon suivante :
a) 4 000 hommes, constitués en 2 détachements de première ligne, 2 bataillons indépendants et un détachement de réserve dans la région de Dijon (groupement A)
b) dans les Pyrénées, 2 000 hommes, en 2 demi-brigades et un dépôt dans las Hautes et Basses Pyrénées (groupement B).
c) 800 hommes constitués
en une demi-brigade dans la région de Bordeaux (groupement
C)
Un lien entre A, B, C : le chef du Corps Franc. Un insigne
commun : l'étoile noire.
Géographiquement le C.F.P. se trouve donc placé pour jouer un rôle national dans le proche avenir.
II) - Situation particulière de chaque groupement.
A ) - se trouve dans la zone
des armées, le chef du C.F.P. est avec lui. Il s'est soudé
au cours des dernières opérations et constitue véritablement
une unité.
Ses cadres et ses hommes sont désireux de continuer l'ouvrage
commencé. Un stationnement prolongé à l'arrière
risquerait de compromettre gravement le moral. D'autre part, entraîné
à la guérilla, cette unité n'est pas adaptée
à des opérations dans le cadre d'une grande unité
moderne aux prises avec un ennemi solidement retranché.
Il faut donc concilier les deux termes en apparence opposés.
Solutions proposée :
1) - Envoyer immédiatement un détachement ( DE CLERCK
par ex.) combattre dans le cadre de la DB - DU VIVIER
2) - Déplacer le reste de ( A ) vers l'est , l'habiller, compléter son équipement et l'instruire . Instruction forcément sommaire, mais très intense.
Ainsi les hommes n'auraient
pas le temps de trop réfléchir d'une part. D'autre
part, sachant qu'un détachement est au combat, ils auront
l'espoir que leur tour viendra. Enfin, se voyant habillés
et équipés, ils se rendront compte qu'ils ne sont
pas traités en parents pauvres.
3)- Dès que possible, relever le détachement en
ligne revenant à l'arrière se faire équiper
et instruire. Et ainsi de suite.
Loin de disperser le C.F.P. cette façon de procéder
le souderait davantage encore, liant les unités entre elles.
L'ensemble ( A ) ferait toujours partie de la division légère
de Toulouse ( éviter la dissociation). Un détachement
à la fois serait mis à la disposition d'une grande
unité sur la ligne de feu (participation du C.F.P. à
la bataille de la libération).
La participation d'une division entièrement FFI à
la bataille ne peut être envisagée qu'à longue
échéance, et encore nous paraît-elle du rêve
plus que celui de la réalité. Pour obtenir ce résultat,
il faut insister sur l'importance politique des FFI, la nécessité
politique de les amener à coopérer avec l'Armée
d'Afrique, malgré les inconvénients qu'elles peuvent
présenter sur le plan strictement militaire, d'ailleurs
très diminués du fait de l'effectif réduit
engagé en une fois.
B) - se trouve dans la zone pyrénéenne
dans une situation particulière : grâce à
l'attitude du Lt.- Colonel VIVIEN on peut considérer que
la situation du C.F.P. est bonne, le C.F.P. représente
une force, il est une gêne pour les FFI régionaux.
Ceux-ci voudraient l'absorber, mais le morceau semble trop gros.
Il est extrêmement adroit d'avoir réussi à
placer des membres du C.F.P. dans les E-M. des FFI départementaux.
Il faudrait renforcer cette situation en essayant de s'insinuer
dans les organismes FFI régionaux. VIVIEN semble qualifié
pour mener à bien cette tâche. Cependant la présence
du CHEF dans la région S-O avec VIVIEN serait nécessaire
pendant quelques jours pour fixer définitivement la ligne
de conduite à suivre et donner une unité de
doctrine aux chefs du C.F.P. Il semble nécessaire de conserver
des unités dans le S-O origine du C.F.P..
C) - Semble tendre à échapper à l'influence
du C.F.P. et à se soustraire au commandement du chef POMMIES.
Seule la présence de POMMIES à Bordeaux et son action
personnelle sur CARNOT peut rétablir la situation. Il semble
opportun de maintenir des éléments de CARNOT
dans le C.F.P. Ils en font partie organiquement. Il est nécessaire
que le C.F.P. soit partout présent. Puisque les circonstances
l'ont amené à articuler ses éléments
sur tout le territoire, il faut profiter de cet état de
chose pour le profit de l'armée future et du pays.
III) - Le C.F.P. depuis quelques semaines, est passé du
plan régional au plan national. Son chef doit saisir cette
occasion pour élargir son horizon. Le programme du C.F.P.
doit rester le même :
1/ Chasser l'ennemi du territoire
2/ maintenir l'ordre à l'intérieur, à l'exclusion
de toute ingérence dans le domaine politique.
Mais d'une part, issu de l'armée, d'autre part, un des
éléments les plus actifs des FFI, le C.F.P. peut
et doit rester le noyau de l'armée future, le trait d'union
entre la France d'Afrique du nord et la France métropolitaine.
Pour cela il faut que le chef du C.F.P. , tout en se maintenant
visiblement dans les règles strictes de l'armée
et de la hiérarchie militaire, soit exactement renseigné
sur la situation politique. Il aura donc un quatrième champ
d'activité, plus discrète, plus délicate,
mais non moins importante. Avec la zone des armées, le
S-O et Bordeaux, il faudra également qu'il agisse sur Paris,
où semble-t-il, il soit déjà connu et déjà
en butte à la malveillance.
Après la victoire d'Autun, le grand rassemblement du CFP va s'opérer dans la région de Dijon, où le PC du CFP va s'installer le 13 septembre 1944.
Une première restructuration
va constituer 5 demi-brigades : (CERONI, DE TREMOLLIERES, DU PASSAGE,
BENONY et MILER) ; 4 détachements (CRAMOUSSEL, DE ROUGEMONT,
LE MAGNY et DE CLERCK) ;
2 bataillons (POTTIER et MUNIER) et la compagnie des Fusiliers
Marins.
Le 15 septembre, la 1re Armée Française est désormais autonome, et, ce soir nous apprenons que DE GAULLE a décidé notre intégration dans la 1e armée et que DE LATTRE DE TASSIGNY nous rattache à la 1re DB à qui nous fournissons l'infanterie qui lui manquait : un régiment de quatre bataillons.
Sur ce, le chef POMMIES, s'emploie à faire venir rapidement le bataillon dont l'EM est à Cambo et qui occupe encore les postes frontières des Pyrénées.
A Toulouse, le groupe d'escadron TURCAT avec ses 632 hommes, sous-officiers et officiers issus des chantiers part rejoindre le CFP, le 20 septembre, le jour même où à Varennes-sur-Allier, débarque les 5 400 hommes de la brigade du Languedoc (R3) sous le commandement du Colonel Thomas DAVID, ce qui porte l'effectif du Groupement SCHNEIDER à 25 000 hommes.
Le lendemain
partent du camp de Bordelongue, à Toulouse, les Ariégeois
du CFP sous les ordre du Lieutenant Doumenc, qui à la suite
de difficultés politiques locales, n'ont pu quitter qu'individuellement
leur département,
Le bataillon de GMR du Commandant COURET, recommandé à
POMMIES par le MNPGD, le maquis d'Avinionnet avec son chef le
Capitaine JACOTO et toute une jeunesse des faubourgs toulousains
aussi bien que de la ville elle-même qui s'enrôle
avec enthousiasme.
Le voyage en wagons à bestiaux (8 chevaux en long, 40 hommes debout) durera 4 jours, en passant par Capdenac, Figéac, Aurillac, Mauriac, Bord-les-Orgues, Auzances, Montluçon, Saint-Germain-des-Fossés, Roanne, Paray-le-Monial, Montceau-les Mines, Dijon enfin dont la gare est en mauvais état.
Le 22 septembre, Le Général de Lattre de Tassigny est reçu au PC du CFP, à Dijon, en présence des Généraux BERTIN et VALUY, des Colonels SCHNEIDER et DURENQUE, et des officiers du CFP. DE LATTRE expose sa façon de concevoir le rattachement des FFI à l'Armée en les amalgamant aux unités combattantes.
Le Général
BERTIN et William BULLIT appartenant à l'EM de DE LATTRE,
font aussi leur discours.
Nous échappons ainsi aux ordres du Colonel RAVANEL et aussi
du Général KOENIG qui est à la tête
des FFI.
L'esprit des soldats est troublé par les bruits qui courent depuis plusieurs jour : il faudrait s'engager officiellement, signer un papier. Dans le maquis, dans la résistance on ne signait rien, surtout pas de son nom, on était fidèle à la parole donnée sans paperasserie.
Mais POMMIES a à se battre sur d'autres fronts : sauvera-t-il seulement l'existance de son Corps Franc ?
L'amalgame
ne s'annonce pas facile à réaliser. Entre officiers,
il y a les problèmes d'équivalence des grades. Les
grades "FFI" expression péjorative, vont officiellement
devenir "fictifs" ou mieux "provisoires" en
espérant leur homologation. En attendant, et chez les sous-officiers
aussi, beaucoup "feront fonction de", assumant des responsabilités
sans avoir droit au grade correspondant.
Mais les simples soldats aussi ne se sentent pas reconnus, malgré
leur courage.
Le 3 octobre,
à la
tombée de la nuit, la demi-brigade PONT remonte en ligne
: 24 heures de petit repos, c'est peu. Le Dr. BOURCART doit constater
au moment de remonter à Servance avec sa deuxième
compagnie :
«Quatre cas de refus d'obéissance dans la section
MAQUIS. Quatre autres manquent l'autobus (sic).»
Les combats sont durs, l'ennemi résiste et défend ses positions, ce n'est plus la guérilla du maquis. Une contre attaque ennemie refoule le bataillon TURBAN. Il ne reste plus qu'à relever la demi-brigade qui descend au repos ; cette première bataille du Thillot a tourné court.
Dans les Vosges, des combats d'une autre sorte nous attendent, dans un cadre totalement différent de celui du Sud-Ouest : la forme des montagnes, les arbres et la végétation en général, tout cela dépayse les Pyrénéens. Les conditions militaires vont aussi changer : l'organisation des unités et la façon de se battre.
En effet, les bruits qui couraient étaient fondés : le chef POMMIES a décidé que seuls ceux qui signeront un papier dans lequel ils s'engagent à combattre l'Allemand jusqu'à sa défaite totale resteront au Corps Franc. Il s'agit d'un engagement individuel en bonne et due forme pour la durée de la guerre. Il pourra savoir ainsi sur combien d'hommes il peut compter.
Il va s'en
suivre une transformation profonde des troupes. Certains n'admettent
pas, par état d'ésprit, par habitudes prises ou
même par principes idéologiques, de ne plus rester
libres de leurs mouvements. D'autres, chargés de famille,
souvent âgés de 40 ans et plus, estiment en avoir
fait assez et retournent dans leurs foyers.
Il y avait aussi des départs moins nobles qui avilissent
un désaroi d'abord sincère et dont longtemps après,
devenu chanoine, le Doyen PAMBRUN se scandalisera encore :
«De plusieurs
points de la zone occupée par le CFP montait le défaitisme.
Comment cette vague a-t-elle pu prendre consistance au point d'entamer
plus de la moitié du Corps Franc ? Je
sais bien que les déceptions du point de vue équipement
et instruction y contribuèrent , je n'ignore pas non plus
que de l'intérieur la masse des "résistants"
qui ne voulaient plus résister promettaient des situations
mirifiques à qui quitterait ces troupes étranges
dont on disait sous le manteau, qu'elles étaient au service
du prétendant au trône de France (sic). Je sais aussi
que plusieurs, gravement, avançaient que c'était
un crime de mener ces troupes de jeunes, sans instruction et sans
expérience à la bataille qui ne manquerait pas,
très vite , de nous absorber ! Climat favorable à
l'éclosion d'objecteurs de conscience et chez les hommes
et chez les gradés. En conscience que dirait-il un jour aux
parents de ceux de ces jeunes qui ne seraient pas revenus ?
Ma perplexité,
que dis-je, mon angoisse toucha au paroxisme certain jour qui
connut le départ clandestin, après pillage du magasin
du bataillon, de presque toute une compagnie. Je ne sais pas ce
qui est advenu des officiers qui se prêtèrent à
cette fuite ; je ne sais pas non plus ce qui est arrivé
au gradés de ce rutilant Etat-Major qui comptait de nombreux
capitaines (heureusement fictifs) et quelques Lieutenants, en
tout une trentaine d'officiers se volatilisèrent dès
qu'il fut question de signer un engagement pour la durée
de la guerre. Ils avaient à peu près tous de somptueuses
voitures dont l'origine serait curieuse à étudier
et qui disparurent avec leurs pseudo-propriétaires».
«Qu'allais-je
décider avec mes Salésiens ?»
Et puis le choix :
«Mes enfants, dis-je à mes Salésiens, il faut
rester, suivez moi. Ils sont tous restés, pas une défaillance.
Ils ne l'ont jamais regretté».
Il arrive enfin que des chefs de maquis dont le grade n'est pas reconnu, se retirent déçus et que ceux qui leur faisaient confiance depuis toujours repartent avec eux.
Un internaute ayant consulté ce site nous a envoyé le 1/01/2006, le témoignage suivant dont la lecture nous a décidé à reprendre le passage précédant de notre histoire, fort bien rapporté dans le livre de René GIRUDON.
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre historique sur le CORPS FRANC POMMIERS, et je suis surpris de constater qu'il n'est pas question de la DEM-BRIGADE DE CARRERE, dans laquelle j'ai eu le grand plaisir d'être incorporé à la veille de mes dix huit ans.
Contacté à HENDAYE, fin août 1944, j'ai rejoint ce CORPS en septembre à LECUMBERI, près de SAINT-JEAN PIED-DE-PORT, dans les BASSES PYRENEES et incorporé au Bataillon VERNET, section du Lieutenant REMAZEILLE. Nous avons participé à la garde de la frontière d'Espagne tout en suivant une instruction sur les armes (que jalouserait un musée d'armement, français, allemand, anglais américain et même russe)
Nous n'avions pour tout uniforme, qu'un pantalon vert des chantiers de jeunesse, un pull-over gris et le brassard à l'étoile du CFP, comme l'atteste la photographie ci-jointe. En octobre, est arrivé enfin le jour tant attendu de notre départ pour le front qui devait avoir lieu après notre équipement par les Américains.
Nous avons été transportés en train jusqu'à GRAY, et par car, à SAINT-JULIEN, en HAUTE-SAÔNE d'où nous entendions le bruit des combats dans la direction de VESOUL. Nous avons fait quelques exercices surtout basés sur l'emploi des grenades. Les jours passaient, et toujours pas d'équipements promis.
Le Commandant VERNET nous a
fait signer un contrat d'engagement pour la durée de la
guerre, mais devant les inquiétudes de nos "anciens"
(combattants de 39-40 et chargés de famille), nous a promis
de ne les remettre au chef de CORPS que si la promesse d'équipement
était tenue.
Celui-ci est venu nous voir et nous a déclaré qu'il
avait obtenu des pelisses en peau de mouton "bien chaudes"
et que nous allions monter en ligne. Rien sur tout autre équipement
et armement.
Il y a eu des protestations dans les rangs et le Commandant VERNET lui a dit ce qu'il nous avait promis. Furieux il est parti sans plus rien dire (dans sa lettre ci-jointe, le Général POMMIES ne fait état que d'un refus de signer un contrat d'engagement pour la durée de la guerre et ne parle pas de cet incident).
Quelques jours plus tard, à notre grande déception, nous étions ramenés à TARBES, puis à HENDAYE et enfin à DAX, où, en février 1945, une commission d'officiers est venue incorporer notre unité dans un régiment de tradition.
Ils se sont aperçus que je n'étais pas né en France et m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas me garder. Voyant ma déception, ils m'ont suggéré de m'engager dans la LEGION ETRANGERE.
C'est ce que j'ai fait et j'ai pu participer à la campagne des ALPES dans les rangs de la 13ème DEMI-BRIGADE de la LEGION ETRANGERE et faire carrière dans l'armée française.
Suite du récit de René GIRAUDON.
Beaucoup ne comprennent pas
non plus que l'on ne mobilise pas immédiatement tous les
jeunes , ou même ne voient pas pourquoi ceux-ci ne viennent
pas en masse s'engager à leur côté. Il leur
semble qu'il serait temps que les "zazous" soient à
leur tour envoyés au combat.
Personne surtout ne se rend compte du mal qu'a la France à
s'imposer, la 1e Armée à être reconnue par
les Alliés, et le CFP à y trouver sa place.
Une grande revue a lieu près de Gy, qui est en partie une revue d'adieu. Ensuite les départs sont nombreux. Le Commandant CERONI qui est à la tête d'une demi-brigade écrit :
«A la suite de cette
réorganisation, je suis constitué sur un type particulier
dit "commando" à fort pourcentage de cadres.
Mes effectifs sont tombés à moins de 50% par rapport
au départ de Toulouse...
Je renvoie donc vers les Pyrénées les cadres et
les volontaires, ainsi que certains véhicules qui étaient
à ma demi-brigade avec leur propriétaires.»
Mais il ya tous ceux qui restent parce qu'ils veulent aller jusqu'au bout, vaincre l'Allemand jusque chez lui, assurer la présence d'une armée française au combat, essayer d'effacer le souvenir de juin 40.