- Formation de la colonne Schneider -

Ces lignes sont tirées du livre de René Giraudon : "Vers la Victoire"

Même en dehors du Médoc, il y a toujours au début septembre une cassure nette du CFP : le bataillon VOISIN garde la frontière espagnole à Dancharia, Aïnhoa, Sare, Hendaye, Béhobie.

Le reste du groupement, avec des moyens de communication de fortune se retrouve à Toulouse où, la demi-brigade BENONI va installer au camp de Bordelongue un camp de recrutement et d'instruction. Le PC reste en ville.

Le 3 septembre, au terrain du Stade Toulousain, a lieu un défilé des FFI, présidé par le Général BERTIN, commandant la 1e Division Légère de Toulouse et le Colonel RAVANEL, commandant la région de Toulouse. Le CFP y a sa place.

Voilà un symbole de l'unité de la résistance, mais cela ne s'est pas fait tout seul. En effet, vu d'Alger où réside toujours le Gouvernement Provisoire de la République Française, la situation était apparue différente. Parallèlement à la liberté d'action dont faisaient preuve les FFI dans le S-O les Allemands se retiraient sans l'intervention de l'Armée d'Afrique. L'inquiétude gagnait la direction de la D.G.S.S. dirigée par Jacques SOUSTELLE. Il recevait des câbles de Toulouse, Cerbère, Montpellier, Limoges et de Bordeaux. (cf : J.Soustelle, Envers et contre tout). Ces grandes villes, sans pouvoir politique et militaire officiels risquaient de tomber entre les mains du parti communiste et des FTPF. Dans ces conditions, les commissaires de la république étaient impuissants à maintenir l'ordre. Toulouse était sans doute la plus menacée car elle avait été un centre important de la résistance spirituelle et armée. C'était le lieu privilégié de l'esprit d'insubordination et d'anarchie, étant donné la présence de nombreux Espagnols en permanence prêts à en découdre avec tout ce qui n'était pas «rouge».

SOUSTELLE pensait qu'il fallait agir vite. De GAULLE était parti pour Paris ; d'ASTIER, commissaire à l'intérieur, était absent ; le reste du gouvernement était indécis.
SOUSTELLE convainquit Pierre BLOCH et André PHILIP commissaires du gouvernement comme lui, qui signèrent les ordres de mission de Maurice CHEVANCE, de partir pour Toulouse.
Ils y atterrirent le 25 août en fin de matinée. Il était temps, car la veille il avait été répandue en ville des affiches signées du Colonel RAVANEL, d'obédience communiste, commandant les F.F.I. de la région de Toulouse, qui décidait la dissolution des Gardes Mobiles et des G.M.R. et donnait « tous pouvoirs pour maintenir l'ordre » au commandant GEORGES, chef départemental des FFI du Lot, (essentiellement des FTP communistes).

Il leur restait à manoeuvrer vite et habilement. L'Armée d'Afrique, occupée à garder le contact avec les Allemands, négligeait le S-O puisqu'il était libéré.

Il n'y avait qu'une alternative :
- Ou bien le début d'une guerre politique armée entre Français, les uns FTP, soutenus par les guérilleros Espagnols et les troupes fraîches enrôlées en vitesse dans des milices patriotiques récemment créées qui voulaient tout de suite une révolution de gauche, les autres FFI non communistes, restant fidèles au G.P.R.F.
- Ou bien l'union de tous les FFI, contre l'ennemi commun qui était toujours là.

Mais comment dominer l'ensemble des F.F.I. et de leurs chefs pour leur imposer cette union ? Où trouver la source de l'autorité nécessaire aux deux colonels pour que leurs décisions soient indiscutables ?

De nouveau, les deux commissaires du Gouvernement, Pierre BLOCH et André PHILIP, sont de retour le 29 août à Toulouse porteurs d'instructions à l'adresse de Pierre BERTAUX, Commissaire de la République. Tout alla très vite, le 30 août, deux arrêtés sont pris qui règlent tout : il est créé un commandement des FFI de la zone Sud (R3, R4, R5, R6 et Bordeaux) qui est remis au capitaine CHEVANCE qui dès le lendemain est nommé Général de Brigade. Aussitôt, il signe le texte suivant, définitif.

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Forces Françaises de l'Intérieur.
Zone Sud
Etat-major du Général BERTIN (CHAVANEL)
3e Bureau
N° 10/3
1er septembre 1944

Note concernant l'organisation d'un Groupement Mobile.

Mission générale :
En vue d'assurer la participation des FFI de la zone sud à la poursuite des troupes allemandes en retraite, il est décidé d'organiser sans délai, dans chacune des régions R3, R4, R5 et éventuellement R6 et B1, une colonne mobile FFI. L'ensemble de ces colonnes devant constituer un Groupement aux ordres du Colonel SCHNEIDER.

La mission générale du groupement est de se porter par étapes le plus rapidement possible vers le nord, de manière à se trouver en mesure d'intervenir sur les flancs et les arrières des troupes allemandes qui tentent d'échapper à l'encerclement entre les armées du Nord-Ouest et celles remontant la vallée du Rhône.

 

Organisation de la Colonne R4 :


Cette colonne dite , «FFI de Toulouse» est pratiquement organisée et comprend, sous les ordres du Colonel DURENQUE commandant les troupes de la R4, un échelon de 6 000 hommes prêts à partir le 4 septembre en 3 demi-brigades plus un G.R., savoir : QG fourni par l'Etat-Major régional.
Groupe de Reconnaissance (760 hommes) Groupement SEGONZAC (Castres)
1/2 brigade Tarn (1 200 hommes) Colonel TRIOCHE :
1 bataillon du 51e RI (Albi)
1 bataillon VENY (Carmaux)
1 bataillon FTP (Albi-Rodez)
1/2 brigade FTP Toulouse (1 200 hommes)
1/2 brigade (3 000 hommes) groupement POMMIES.
Complément de GR : deux escadrons du 3e Hussards (Montauban).

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Le Colonel SCHNEIDER réunit le 2 septembre à Toulouse : le Général CHEVANCE, les deux commissaires du G.P.R.F. et tous les officiers qui allaient appartenir à la DLT pour leur exposer ses décisions. N'oubliant pas les raisons pour lesquels il a quitté l'AFN, il prévient ASCHER (RAVANEL) qu'il ne tolérerait pas que se produisent des désordres sur les arrières des troupes qui montent au combat, et que cela gêne leurs mouvements.

Et voilà pourquoi le dimanche 3 septembre au matin, c'est un certain Général BERTIN, inconnu de tous dans le Sud-Ouest, huit jours plus tôt, qui préside le grand défilé des FFI à Toulouse, et un Colonel SCHNEIDER, encore moins connu, qui se trouve être leur chef.

Qui participa à ce défilé ? Qu'on en juge par ces lignes du Sergent DUFOUR :
« Dimanche 3 septembre 1944. Défilé à Toulouse, et quel défilé ! Près de 12 000 hommes sortis des bois, qui sont là, et qui les commande ? ( pour moi c'est une révélation) : le Capitaine POMMIES, mon ancien Capitaine de la 5e compagnie du 18e RI à Pau. C'est le chef que beaucoup voient au grand jour pour la première fois. Journée mémorable pour le CFP.

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L'important est le départ immédiat au combat. D'où cette note du commandant Céroni :

«Etant la seule demi-brigade entièrement motorisée, je reçois l'ordre de rejoindre Autun par la route en traversant le Massif Central».

Et le texte de cet ordre du commandant FRANÇOT (alias LESEVE)

FRANÇOT à CHATEAU :
1 ) Le bataillon fera mouvement pour se porter sur la rivière Aron, en deux bonds :
- 1er bond, Saint-Léger, où les convois devront être arrivés ce jour à 13 heures 30
- 2e bond, Rive de l'Aron à Panneçot, pour 16 heures, itinéraire par Moulin Engilbert.
Progression couverte par bataillon CERONI du CFP.
2 ) Les compagnies DE FUMEL et LAGRACE se déplaceront avec tous leurs moyens,arrivées à destination les camions déchargés seront utilisés pour le déplacement des compagnies DROZE et REAUP.
Les éléments fixes jugés indispensables seront laissés au cantonnement habituel au Château de Montfourton, PC de bataillon sous les ordres du Capitaine DRICOT (BRUTUS).
3 ) Mission des éléments combattants : se porter rapidement vers l'Ouest avec les éléments légers et mobiles, à la rencontre des éléments ennemis progressant en direction d'Autun, signalés dans le bec de l'Allier (sud de Nevers).


   
Signé FRANÇOT

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Le transport des troupes exige de la part des anciens de Résistance Fer un travail considérable pour la remise en état des voies ferrées.

Le lendemain, POMMIES réduit au minimum les troupes que l'on exige qu'il laisse à la frontière espagnole qu'il place sous les ordres du Lieutenant-Colonel FFI Marcel VIVIEN, les compagnies CLARAC et TRAVERS restent à St. Girons et la demi-brigade BALADE à Tarbes. Seule du détachement ROUGEMONT : la demi-brigade VIGNAUDON va à Hendaye rejoindre le bataillon CASANOVA (le reste du détachement LE MAGNY s'en va) ; le détachement DE CLERCK se partage en deux, seule reste à Mauléon la demi-brigade DE CARRERE.

POMMIES garde avec lui deux hommes de confiance particulièrement compétents : le Lieutenant-Colonel GINESTET qui se charge de tous les services administratifs et autres, et le capitaine du Génie PONT qui, à lui seul, devient officier des 2e et 3e bureau.

Le 5 septembre l'essentiel du CFP se met en mouvement vers Autun, après la rapide constitution d'un nouveau détachement DE ROUGEMEONT comprenant trois bataillons : TURBAN, MUNIER et FRANÇOT.

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Tout se passe de façon plus pittoresque que réglementaire comme le Docteur Guy BOURCART s'amuse à le remarquer :

Le bataillon a l'honneur de prendre le premier train militaire circulant en France grâce à l'activité de nos cheminots. Les coupures perpétuellement renouvelées de jour en jour par la section de sabotages de GERARD et GILBERT avaient été faites de telle façon qu'elles rendaient impossible toute circulation régulière, mais qu'elles pouvaient être réparées rapidement. La double voie permettait d'en reconstituer une aussitôt.
Le 5 au matin, nous embarquons. Oh ! Pas dans les règles militaires bien sûr, mais la présence de nombreux cadres d'active officiers, sous-officiers, suppléent un peu au manque de connaissances de notre troupe pleine d'allant.

Charles WURSTEISEN a gardé son PC, personnel et matériel. Si nous sommes allégés, son absence se fera sentir. Il part au train suivant avec son E-M au complet, ayant en poche la première et la dernière lettre de sa femme. Certains éléments rejoignent par la route.
Nous traversons Gourdon, où l'arrêt se prolonge, Souillac également et enfin Saint-Denis, nos familles prévenues envahissent les gares (à noter quelques défections, certains chez qui l'amour d'une fiancée, ou de la petite patrie, l'emportait sur l'amour de la Grande Patrie). Il faut se fâcher pour que le train reste un peu plus longtemps que prévu. Mais il faut bien se séparer.

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Cependant nous ne partons pas seuls. Quelle est finalement la composition de cette «Colonne FFI de Toulouse» qui ne ressemble sans doute pas entièrement à celle qui devait défiler, ni à celle qui a effectivement défilé, le 3 ?

Elle comprend 7.450 volontaires environ, fournis par :
le Corps Franc POMMIES .......................................3.800
L'ORA, LE VENY, et les FTP du Tarn (TRIOCHE)......1.500
Les FTP du Lot (AJAX)...............................................1 500
Le groupe de reconnaissance du 3e Dragons
(Hugues DUNOYER DE SEGONZAC)............................   400
l'AS du Tarn et Garonne..........................................    200
L'État-Major régional...............................................      50

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Bataille d'Autun

 

Au début de septembre 44, la Wehrmacht en retraite pousse 2 colonnes, l'une qui suit un axe Sud-Ouest Nord-Est par le massif central, l'autre un axe Ouest-Est par la Touraine et le Berri.
Autun est le lieu de rassemblement et de passage vers Dijon pour les Allemands qui sont 7 à 8.000 hommes à l'intérieur de la ville et 10.000 aux alentours.

- Le 6 septembre, le Colonel POMMIES installe son PC à Digoin que les Allemands ont évacué la veille.

- Le 7 septembre, les premiers éléments du CFP débarquent à Lapalisse et se dirigent le soir même sur Digoin. Il s'agit du bataillon TURBAN (demi-brigade de WURSTEISEN) ; il s'attarde dans le Lot où beaucoup de ses hommes ont leurs familles ; il y a perdu quelques déserteurs : la Compagnie MALGORNE s'y est en partie vidée !
Il faut faire tomber Autun avant que le gros des Allemands qui se replient n'y ait accès.

Les instructions de DURENQUE à POMMIES sont claires :

« Le but de l'opération est de se porter le plus possible sur Autun, puis tenir de l'extérieur l'accès et les hauteurs qui commandent la ville, de façon à harceler les colonnes ennemies en provenance de l'ouest et à semer le désarroi dans les troupes de la garnison, autrement dit, rechercher l'interdiction des carrefours des routes d'Autun.»

Le bataillon TURBAN va donc aller le plus loin possible vers Autun : 120 km à parcourir, à travers des populations déçues de voir arriver des Français et non des Américains !

( Ils n'ont peut-être pas perdu au change, suivant le documentaire de Patrick Cabouat : "La face cachée des libérateurs", sur FR3 le 24/03/2006. L'étude du criminologue américain, J.Lilly, base de ce film, dévoile une réalité bien différente de l'image idéalisée dans la mémoire collective des GI venus libérer l'Europe.)

Des éléments du Corps Franc toujours en tête s'emparent des accès du pont de la Charité sur Loire, prévenant ainsi l'avance de forts contingents allemands qui se dirigent sur AUTUN .
L'idée de la manoeuvre est de s'insérer entre les 2 mouvements allemands à leur point de jonction, dans le Morvan, et de couper ainsi la route de Dijon et du plateau de Langres.

- du 7 au 10 septembre, Le Corps Franc, laissant derrière lui un groupe de protection, poursuit sa marche et se heurte à, Etang-sur-Arroux, à un gros détachement allemand. Il remporte là un premier succès qui est, pour beaucoup de jeunes recrues, le baptême du feu. POMMIES, poussant toujours son avance, franchit les remparts d'Autun dans la matinée du 9 septembre. Il est accueilli avec enthousiasme dans la vieille cité gallo-romaine mais ne fait que traverser la place pour se jeter aux trousses des Allemands et leur fermer la retraite vers le Nord. 
Dans la soirée, POMMIES, qui avait poussé jusqu'à Saulieu et Arnay-le-Duc, apprend que 3.000 Allemands venus de Nevers descendent sur Autun et sont aux abords de la ville. POMMIES fait demi-tour et donne l'assaut aux Allemands qui, déjà arrêtés aux portes de la ville sont maintenant encerclés. Le 10 septembre, les Allemands se rendent et laissent aux mains de leurs vainqueurs quantités d'armes et de munitions, ainsi que des camions de vivres.

Turban est arrêté dans son mouvement en arrivant dans les bois de Montjeu, au sud d'Autun où il rencontre le régiment VALMY fort de 1.600 FTP de la région. Le commandant BOUSSIN qui les commande, explique qu'Autun doit être libéré par eux, il a reçu une note impérative qui précise : les FTP seuls opèrent sur Autun, ne pas attendre d'autres formations pour cette opération.
Signé : LEDON chef d'État-major régional FTP.

L'AS de la région avait libéré Mâcon, Montceau, Châlons-sur-Saône, sans le concours des forces régulières. Les forces FTP de cette région industrielle, si elles avaient plusieurs actions de guérillas à leur actif, n'avaient pas libéré de villes comme l'AS. Autun dernière ville à libérer était dans leur secteur d'action, il fallait donc qu'elle le soit par eux et par leurs propres moyens, sans l'aide de l'armée de DE LATTRE...

Il se trouve que l'armée d'Afrique a établi sur sa gauche, à l'ouest, une flanc-garde sur l'axe Paray-le-Monial-Dijon comme si les divisions FFI n'existaient pas. Elle est constituée par le 2e Dragons, sous les ordres du Lieutenant-colonel DEMETZ.

Le Général DE MONSABERT décide d'adjoindre au 2e Dragons des éléments pour étoffer ses 3 escadrons de TD et de lui incorporer le 8e Dragons FFI comme régiment d'infanterie. La mission est précise, s'emparer d'Autun avec 2 colonnes qui encercleront la ville.

Il est pris de vitesse par le régiment VALMY, FTP, dont le commandant FFI, BOUSSIN, a disposé ses 4 bataillons sur leur base de départ la veille et qui lance l'attaque le 8 septembre à 8 heures. Le 5e se bat magnifiquement. Les 7e et 9e arrivant vers 11 heures sont désarçonnés par les conditions du combat de rues. Le 6e parti de l'intervalle des 2 routes de Mesvres et d'Etang perd rapidement la liaison avec ses voisins et c'est la catastrophe, les Allamands contre-attaquent efficacement.
Au bout de 3 heures d'un combat acharné, il faut se replier. C'est un sanglant désastre : 40 tués, 34 prisonniers fusillés comme francs-tireurs, malgré l'intervention du bataillon TURBAN pour protéger le repli des FTP.

La protection de la ville d'Autun.

Témoignage signé Guy Bourcart. Tiré du livre de René Giraudon.

- Le 9 septembre, au lever du jour, nous entrons dans Autun d'où les Allemands viennent de partir.
Au Collège Saint-Lazare, vingt-sept cadavres, abattus sauvagement, sont alignés (des FTPF de Montceau- les-Mines, entrés clandestinement dans Autun la veille, avec mission de s'emparer des canons en batterie dans la cour de St. Lazare. Ils furent tous pris et fusillés par les Allemands dans le jardin). Nous apprenons par la suite qu'une colonne allemande a tenté au cours de cette nuit d'entrer dans Autun. Nous comprenons maintenant le motif de la canonnade qui n'a cessé de la nuit. Nous savons que d'autres unités soit, FFI de Saônne-et-Loire, soit CFP, soit de l'armée d'Afrique, ont combattu en cette journée du 8 septembre, en d'autres secteurs des environs d'Autun. Nous savons aussi que des légendes se sont créées qu'il nous est difficile d'admettre. Beaucoup on revendiqué l'honneur d'avoir libéré « seul » Autun. Nous ne pouvons tout de même pas oublier que nous aussi, nous étions là, et pas seulement en spectateurs, mais en acteurs efficaces. Nous savons en tout cas, que nous avons bien été les premiers, le 9, à pénétrer dans Autun, et que ce sont les gars de notre bataillon qui ont été sonner les cloches de la cathédrale. Alors les habitants d'Autun ont réalisé qu'ils étaient vraiment libérés, et c'est alors que les soldats des autres unités ont afflué de toutes parts.

Que s'était-il passé dans Autun la nuit ? Il est bien difficile de le dire. Et c'est ici surtout que la légende a fleuri. Y a-t-il eu vraiment, en cette nuit du 8 au 9 septembre, des combats épiques à l'École Militaire ?

Ce que nous savons c'est que le 9, vers les 10 heures un homme d'Autun est venu demander qu'une patrouille aille explorer les souterrains de cette Ecole où, prétendait cet homme, il pouvait encore rester des Allemands. Le Capitaine TURBAN, confia cette mission à la 2e compagnie. Un groupe choisi parmi les marins partit, explora les souterrains, mais ne trouva rien. Est-ce convenable si l'école avait été réellement occupée dès la veille, par l'Aspirant WOLINSKI et ses hommes ? Où étaient-ils au moment où la patrouille de la 2e compagnie s'est présentée pour effectuer cette mission de nettoyage ?

L'après midi de ce samedi du 9 septembre , dans Autun en liesse, on amène un groupe de prisonniers allemands. La foule excitée, en délire, se jette sur eux. Les quelques soldats qui les escortent ne peuvent les protéger efficacement. Ces prisonniers sont injuriés, frappés, jetés à terre, piétinés, lynchés. Et finalement sont tués en pleine rue sur place . Ce fut d'une sauvagerie indicible. Et il ne fut pas facile de calmer cette foule sanguinaire. L'aumônier dut aller lui-même avertir la mairie et donner des ordres pour que les cadavres soient immédiatement relevés et emmenés à la morgue.

Quelques instants après, on annonçait qu'une colonne allemande, très importante entre 5 et 6 000 hommes approchait d'Autun par la RN 73. Il était impossible de la laisser pénétrer dans Autun. Des dispositions devaient être prises aussitôt. Le Colonel DEMETZ - chef du 2e régiment de dragons de la 1e DB - avec uns de ses escadrons, prit l'initiative de la défense de la ville, avec l'appui comme infanterie de deux bataillons de la demi-brigade WURSTEISEN le bataillon du Capitaine TURBAN et celui du Capitaine MUNIER. Mais l'état major du Colonel POMMIES, changea d'avis, si toutefois, il avait donné son accord au Commandant WURSTEISEN. Quand les deux bataillons eurent pris leurs positions, TURBAN, à gauche de la route, MUNIER à droite, les Dragons restant en avant d'Autun, sur le pont avec leurs blindés et leurs canons.
Charles WURSTEISEN passa la soirée avec le groupe de TURBAN. L'aumônier ne le quitta pas de la soirée. Jusqu'au moment où il alla se reposer très tard, alors que les premiers éléments allemands étaient déjà devant nous.

Deux fois on apporta à Charles WURSTEISEN l'ordre de quitter ses positions pour se replier sur Montceau, et ne pas engager le combat avec une colonne si puissante. Il envoya une liaison au Lieutenant-Colonel d'où émanait cet ordre. Cette liaison en la circonstance était assurée par les deux chauffeurs du Capitaine TURBAN et de l'aumônier. La seconde mission ne fut pas remplie jusqu'au bout : la grande route d'Autun était déjà coupée par les premières lignes allemandes et il fut impossible aux messagers de passer.
Le commandant
WURSTEISEN dit : «Après le massacre des prisonniers allemands de cet après-midi, il ne nous est pas permis de laisser rentrer les Allemands dans Autun, la ville serait brûlée et beaucoup d'hommes seraient fusillés». Et il ajoute : «La première Armée elle, doit se battre quoiqu'il arrive, nous ne devons pas laisser les Dragons seuls, nous devons les aider ».

Charles resta donc avec ses deux bataillons, dont certains éléments seulement, il est vrai, furent effectivement engagés dans le combat. Le bataillon nord de TURBAN occupait donc la gauche de la route... L'élément le plus avancé était la 4e compagnie de CHALOPET et PEDOT, gardant la route secondaire qui passait vers les puits de pétrole, avec les Grassiers, et une maison isolée, comme appui. La 2e compagnie les rejoint ensuite avec des éléments de la 1e. La 3e compagnie placée plus près de la route, plus loin en bordure d'un petit-bois, se replia dès l'aurore, après les premiers engagements.
La bataille fut confuse. Les éléments du bataillon étaient trop dispersés et sans liaison. La tactique des Allemands se sentant fermement arrêtés sur la route par les Dragons avec leurs blindés et leur puissance de feu bien supérieure à la leur était de s'infiltrer par les côtés et de chercher des débouchés sans passer par Autun. Parfois, ils furent contenus comme dans le secteur de la 4e compagnie où une section surtout se signala, parfois ils réussirent à se glisser entre les différents éléments. La bataille fut cependant acharnée toute la journée sous un soleil implacable.

Le Commandant WURSTEISEN avait établi son PC à la ferme du Seuil sur la commune de Monthelon. Le 10 septembre, avec le Lieutenant JACQUEMIN, et le chasseur CARNEADO, ils se mettent en observation à l'orée du bois de Chantal à une centaine de mètres de la ferme du Seuil.
Les Allemands en fuite qui traversent le bois les repèrent et un sous-officier les apercevant, s'approche sur leur arrière et lance deux grenades à manche sur les trois hommes du CFP. Le lieutenant JACQUEMIN est blessé mais conscient, il se retourne vers le Commandant pour lui venir en aide, CARNEADO est également blessé, il a le bras déchiqueté et il est évanoui.
L'allemand, FRITZ VON ROTH, voulant constater l'effet de ses grenades s'approche dans les buissons. Le Lieutenant JACQUEMIN, l'aperçoit et dans un dernier effort, abat l'allemand de deux coups de pistolet en pleine poitrine. Un autre soldat allemand intervient et voyant le lieutenant encore vivant l'achève d'un coup de fusil et poursuit son chemin. Peu après, le chasseur BERNARDOT découvre ses camarades. CARNEADO laissé pour mort respire toujours. Il est alors transporté à l'hôpital d'Autun où il se rétablira de ses blessures et pour que tout finisse bien il épousera son infirmière et finira ses jours à Autun où il s'est fixé. Il est enterré au cimetière militaire de la ville d'Autun.

Le soir vers les 4 heures, se jugeant battus, incapables de forcer le barrage, et de rejoindre Dijon, le groupe de la colonne, Colonel en tête, se rendit. La seule compagnie de CHALOPET et PEDOT avait fait plus de 400 prisonniers et laissait devant elle une multitude de morts... Les pertes étaient grandes aussi pour nous. Charles WURSTEISEN avait payé de sa vie sa ténacité à défendre Autun. Avec lui JACQUEMIN, chef de section, avait été tué. CHALOPET et CARNEADO étaient blessés. Le bataillon sud perdait le Lieutenant GAULIER et deux hommes. Le CFP, n'avait pas, cependant, failli à sa mission.

La ville d'Autun, parmi ses défenseurs, a surtout gardé le souvenir des Dragons, certes elle n'a pas oublié totalement les FFI. Au cimetière, elle a élevé un monument à la gloire des soixante-sept FFI qui ont trouvé une mort glorieuse dans la bataille d'Autun. Mais le CFP, les bataillons de la demi-brigade WURSTEINSEN, en particulier, se sont toujours effacés devant les FFI de Saône-et-Loire.

La perte de Charles WURSTEISEN est pour nous un grand deuil que tous ressentent cruellement, après ADMIRAT, CHARLES WURSTEISEN, JACQUEMIN ceux qui furent l'âme de notre unité ne sont plus. On a de grosses difficultés pour se procurer des bières correctes pour nos camarades et une famille généreuse offre spontanément une place dans son caveau.

Le bataillon au complet assiste, sous la présidence du Lieutenant-Colonel DE CLERCK, aux funérailles et nous le pleurons. Cette triste journée se termine par l'arrivée du commandant DU PASSAGE, nommé commandant de la demi-brigade. Mais les hommes ne veulent servir que les chefs qu'ils ont connus et nous restons sans chef de demi-brigade. Seul CRAMAUSSEL(Emile-Henry) (nous ne l'avons aperçu qu'à Toulouse) nous commande de loin. Il vaut mieux (aucun autre n'en prit le commandement effectif, quoiqu'on le prétende ).

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- Le 11 septembre, toute menace est définitivement écartée d'Autun, grâce à cette action qui eut pour effet d'éviter toute surprise, sur sa gauche, à l'armée DE LATTRE DE TASSIGNY.

AUTUN est pour le Corps Franc une grande victoire, qui lui a valu une magnifique citation à l'ordre du C.A. La colonne allemande capturée à Autun est celle qui échappait à l'étau des Maquis du Corps Franc dans les Landes.
D'autre part c'est le premier contact entre les F.F.I. du Sud-Ouest et les Unités de l'Armée d'Afrique, et celui du C.F.P. avec le 2e Dragons originaire d'Auch.

Le bilan homologué de l'activité du Corps Franc depuis le début des opérations est alors impressionnant. Les pertes de l'ennemi en personnel s'élèvent à 1.531 tués, 847 blessés, 2.151 prisonniers, faits en commun avec le 2e Dragons.

Après avoir vainement essayé avec le 2e Dragons d'intercepter de nouvelles colonnes allemandes dans la région de Saulieu-Corbigny, le Corps Franc se porte dans la région de Dijon pour se réorganiser, s'habiller et s'instruire.

- In mémoriam -

Soldats du Corps Franc Pommiès qui, au cours des combats de l'Autunois, ont fait don de leur vie pour la libération de la France :

Germain BONIN - Robert COLLE - Daniel CRISTOL - André DACHIER - Jean DOMERC - Gaston DUMAS - Prosper DUVAL - Paul GARETTA - Gabriel GOULIER - Eloi JACQUEMIN - René LAMBERT - Robert LAPORTE - Claude LAROQUE - Robert LEFRANC - Samuel MEYER - Pierre MUSSON - Louis POTTIER - Edmond PALLARES - PIERPOLI - Albert SEHET de POUZERGUES - Victor SCHONG - Adolphe WITTEMAN - Charles WURSTEINSEN.

 

 

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